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ENS Éditions : les années 2000 à Lyon


Quand l’ENS de Fontenay-Saint-Cloud est arrivée à Lyon, ses publications avaient déjà une longue histoire. ENS Éditions, maison d’édition créée en 1993, structure reconnue avec un ISBN et diffusée nationalement, s’appuyait alors sur une série, Les Cahiers de Fontenay, lancée en 1975, qui avait à son catalogue plus de 70 volumes. Les titres des Cahiers, mémoire des travaux de recherche de l’École pour la plupart épuisés, étaient toutefois encore recherchés, et nous avons pu, par la suite, continuer à les proposer au catalogue, en profitant du service de reprographie de l’École à Lyon qui nous permettait d’imprimer à la demande.

Avant leur arrivée à Lyon, les Éditions de l’ENS faisaient partie du réseau des presses d’université rassemblées dans une association qui œuvrait pour une reconnaissance et pour une professionnalisation des services. C’est dans ce cadre que j’ai rencontré à plusieurs reprises Chantal Gillette et Pascal Troufleau en charge de la partie éditoriale. J’étais alors moi-même responsable d’une petite structure de publications à l’université Stendhal de Grenoble, les Éditions littéraires et linguistiques de l’université de Grenoble (ELLUG), où j’avais passé une dizaine d’années. J’étais à la recherche d’un poste à Lyon, pour des raisons familiales. 

Encouragée par Chantal, dont le service allait être bouleversé par le déménagement, j’ai proposé ma candidature à Sylvain Auroux (67 L SC), soutenue par Catherine Volpilhac (ENS L 1975) et Bernard Colombat, tous deux enseignants-chercheurs à Grenoble : nous avions eu une heureuse collaboration pour la publication de leurs ouvrages aux ELLUG. Par ailleurs, ce qui a sans doute aussi éveillé la curiosité de Sylvain Auroux (67 L SC), c’est l’expérimentation que nous avions menée aux ELLUG de publier des ouvrages interactifs en ligne bien avant que ceux-ci ne soient d’actualité, ce qui nous avait d’ailleurs valu une certaine reconnaissance. Avec la collaboration de la Bibliothèque municipale de Lyon, dirigée alors par Patrick Bazin, nous avions publié en ligne les images d’un ouvrage du XVe siècle dont la bibliothèque avait l’original. L’édition présentait côte à côte les images des pages du livre, le texte en latin et la traduction en français. Un autre projet, en dialectologie cette fois, présentait des mots de patois de la région, par thème et lieu, avec les enregistrements correspondants. Tout cela semble bien banal maintenant, mais ces éditions n’étaient alors que des prototypes.

J’ai pris mes fonctions à l’École le 1er septembre 2000 dans le grand chantier que d’autres ont décrit ailleurs. Le service que j’intégrais comprenait, sous la direction de Chantal Gillette, les éditions proprement dites, mais aussi la reprographie et le service de graphisme et mise en pages qui répondaient aux besoins des enseignants-chercheurs. Nous étions donc assez nombreux, avec des Parisiens qui découvraient un nouveau lieu de travail et quelques nouvelles et nouveaux, comme moi, qui intégraient l’équipe. Cette intégration était sans doute facilitée par le fait que personne n’avait d’habitudes sur place. Nous pouvions alors nous permettre de réinventer le service, de définir de nouveaux objectifs. Tout cela par des discussions que nous avions lors de réunions, qui, faute de place, se passaient chez Chantal qui habitait à proximité. Et sans bureau où m’installer, j’ai dû passer quelques mois en « télétravail », sur un projet de base de données pour la diffusion que m’avait confié Chantal.

L’arrivée à Lyon a ainsi permis de restructurer ce grand service et de créer une unité d’édition indépendante de la fabrication. Désormais l’équipe était recentrée sur les fonctions principales de l’édition : l’accueil des manuscrits et la relation aux auteurs (contrats, recommandations de présentation), la préparation des textes et la recherche iconographique, le suivi de la mise en pages et de l’impression, la promotion et la diffusion des ouvrages. D’autre part, la fonction scientifique et éditoriale fonctionnerait dorénavant avec un comité éditorial et des collections clairement définies.

La politique éditoriale est assez tôt mise en avant par les différents documents de communication : dans les nouveaux catalogues et les documents promotionnels et sur le site de l’École. Elle affirme le désir de publier des ouvrages de qualité de toute origine dans les domaines de recherche particulièrement dynamiques de l’École. Les collections sont redéfinies avec des intentions clairement exposées en première page des ouvrages. Et simultanément l’accent est mis sur le travail éditorial particulièrement exigeant et la grande qualité typographique. L’affirmation des collections s’est manifestée aussi par un changement radical du graphisme des ouvrages. Après une uniformité recherchée qui donnait une identité à l’École en tant qu’éditeur, où les collections ne se différenciaient que par la couleur, j’ai voulu donner une identité propre à chacune d’entre elles, identité graphique qui pourrait se décliner au fil des années. Vingt ans de vie pour ces couvertures et l’heure est maintenant venue d’imaginer d’autres présentations.

Dans la collection de littérature Signes, le premier ouvrage publié à Lyon, L’Orient des femmes, illustre bien ce renouveau. Ouvrage collectif, dirigé par Pauline Lavagne d’Ortigue (93 L FC), il regroupe des autrices et des auteurs de tous horizons dans sa belle présentation.

Les grandeurs de la Terre, Aspects du savoir géographique à la Renaissance, ouvre la nouvelle collection Société, Espaces, Temps, avec la très remarquable thèse de Jean-Marc Besse qui n’avait pas de liens avec l’École, mais dont l’ouvrage, histoire de la géographie, s’inscrivait parfaitement dans les intentions de la collection.

La nouvelle collection Langages est lancée avec un gros ouvrage collectif, Lyon et l’illustration de la langue française à la Renaissance, actes d’un colloque organisé à Lyon sous la direction de Gérard Defaux (59 L SC) pour, comme il le mentionne dans l’avant-propos, « faire quelque chose pour saluer » l’arrivée de l’École à Lyon, cet « événement », cette « victoire sur la centralisation ». L’occasion pour moi de travailler de nouveau avec Bernard Colombat qui, en tant que directeur de collection, a grandement participé à la réalisation de cet ouvrage.

D’autres ouvrages de 2003, comme Baraques, L’album photographique du dispensaire La Mouche-Gerland, lieu où l’École s’est implantée, ou l’hommage à Bernard Simeone, ont permis, dès les premières années, de tisser des liens avec les habitants du quartier pour l’un et les éditeurs de la région pour l’autre. Liens avec les éditeurs qui seront renforcés par la participation à l’Association Rhône-Alpes pour le livre et la documentation (ARALD). Ce réseau nous offrait des échanges entre professionnels et un espace réservé sur le stand de la Région au salon du livre de Paris.

Plus tard d’autres liens forts se créeront avec la collection Métamorphoses du livre en coédition avec l’Institut d’histoire du livre, créé en 2001, qui regroupait des équipes principalement lyonnaises, et ensuite avec la publication des projets d’étudiants communs à l’École et à l’ENSP (École nationale supérieure de la photographie d’Arles) avec la collaboration du service de David Gauthier.

Ces développements éditoriaux allaient s’accompagner assez rapidement d’une diffusion plus professionnelle. Sylvain Auroux a œuvré pour faire entrer nos ouvrages au catalogue de diffusion des Presses universitaires de France et les faire bénéficier ainsi de leur réseau de distribution.

Il ne faut pas, bien sûr, oublier le développement des revues de l’École. La plupart des revues existantes se sont maintenues, et d’autres ont été créées, ou reprises, grâce aux chercheurs nouveaux venus, telles que Laboratoire italien ou les Cahiers de linguistique et de civilisation hispaniques médiévales. Le service coordonnait le travail éditorial et la fabrication, et assurait la gestion des abonnements et les envois des volumes.

Au fil des années, les éditions vont se développer, avec la mise à disposition de revues en version électronique sur Revues.org, puis d’ouvrages en ligne, toutes publications maintenant disponibles sur le portail OpenEdition. La fusion avec l’ENS Sciences sera l’occasion d’une nouvelle collection, de mathématiques, et d’autres collections verront aussi le jour. Puis la fusion avec l’INRP donnera à nouveau une nouvelle direction à ENS Éditions, en doublant son personnel et sa production.

Denise PIERROT, directrice du service des Éditions de 2002 à 2011,
10 avril 2021.


Pour citer ce texte : Denise PIERROT, ENS Éditions : les années 2000 à Lyon, Bulletin de l’association des élèves et anciens élèves des ENS de Lyon, Fontenay, Saint-Cloud, n°1, 2021, p. 79.