Entretien avec Pablo Jensen, chargé de mission transition écologique à l'ENS de Lyon
Pablo Jensen (Saint-Cloud, 1986) a été nommé dans ses nouvelles fonctions à compter du 1er septembre 2022, pour une durée de 18 mois. Directeur de recherche au CNRS, physicien spécialiste des nano-sciences à l’origine, il a écouté sa curiosité et s’est ouvert à d’autres disciplines, de la physique aux sciences sociales : l’économie des transports, les systèmes complexes puis la prise en compte des enjeux écologiques, tant par esprit scientifique que par engagement personnel. Rencontre avec un homme d’ouverture et de convictions.
Qu’est-ce qui vous a motivé à accepter ce poste de chargé de mission transition ?
Cette fonction est la suite logique de mon engagement, aux côtés de mon collègue Freddy Bouchet, pour sensibiliser et faire bouger les choses dans l’École sur les enjeux de transition écologique. Nous avons lancé le groupe transition écologique en 2019, un an plus tard, la mission Développement Durable était créée au niveau de la présidence, puis ont été mis en place un comité de pilotage et des groupes de travail qui ont permis de faire émerger une feuille de route au printemps dernier. Aujourd’hui, l’idée c’est que cette feuille de route se déploie dans toutes les activités de l’ENS de Lyon, dans la sobriété de son impact carbone bien sûr, mais aussi dans la mise en œuvre de ses missions de formation et de recherche. Mon objectif est d’accélérer ce processus de transformation de l’ENS de Lyon.
Quelle est votre vision de cette fonction ?
Je souhaiterais m’appuyer sur ce qu’est l’École, à savoir un lieu de petite taille avec des expertises riches et variées et des moyens exceptionnels, permettant d’expérimenter et de créer. Et que nous devons nous appuyer sur toutes les intelligences, afin de transformer nos manières de chercher, enseigner, travailler, étudier, vivre sur le campus.
C’est beaucoup plus profond et ambitieux que de rajouter un domaine de recherche ou de formation : la question de la transition écologique doit irriguer l’ensemble de nos pratiques. Nous devons aussi réinventer la manière dont se construisent les savoirs, en y associant le reste de la société, pour mieux contribuer à la transformation de nos sociétés. C’est un peu ce que nous avons voulu expérimenter avec les Journées d’été des savoirs engagés et reliés qui se sont déroulées fin août à l’École.
Il faut notamment associer les étudiants, qui seront les acteurs de la transition écologique, et leur donner les outils pour peser sur ces enjeux demain. Côté formation, nous avons donc un double défi : faire que l’ensemble des étudiants sorte de l’École avec une conscience aiguë de la profondeur des transformations en cours et des outils pour y faire face, et aussi inventer des formations approfondies pour ceux et celles qui veulent s’y engager.
Côté recherche, il s’agit de favoriser des recherches sur ces thématiques et, plus globalement, d’inciter les collègues à réfléchir sur la place de leur activité dans les mutations socio-écologiques en cours.
Concrètement, quelles sont les premières actions qui vont être mises en place ?
L’institution s’engage dans une démarche de demande de labellisation DD&RS (développement durable et responsabilité sociétale). Cette démarche exigeante et ambitieuse, pilotée par Vincent Baas au Cabinet, va nous permettre d’établir une « check list » d’actions et de critères sur lesquels nous allons pouvoir nous appuyer pour aller vers une plus grande sobriété en matière d’émissions carbone et pour adapter nos contenus de formation et de recherche. Par exemple, le label nous demande de mettre en place des enseignements obligatoires sur les enjeux écologiques.
Les enseignements actuels portant sur les enjeux de la transition écologique ont déjà été répertoriés, et apparaîtront plus clairement dans l’affichage de l’offre de cours. Un module portant sur la transition écologique a été créé dans la maquette de la 4e année de diplôme. Tous les primo entrants seront initiés à ces enjeux en janvier, pendant la semaine extra-curriculaire sur laquelle nous travaillons en ce moment. Je vous renvoie d’ailleurs à la table ronde qui s’est tenue autour de Dennis Meadows le 19 septembre dernier.
En ce qui concerne la recherche, l’ENS de Lyon va prochainement afficher une chaire junior sur la transition écologique.
Enfin, les actions de sensibilisation initiées l’année dernière par le groupe Vie quotidienne, vont reprendre et se développer. Nous allons proposer des conférences à l’heure du déjeuner plusieurs fois dans l’année, avec des personnes de l’École ou d’ailleurs. Prochaine date à noter, la conférence de Natacha Gondran, le 28 novembre prochain. Elle est membre du laboratoire EVS, professeure et déléguée développement durable de l’École des Mines de Saint-Etienne. Elle interviendra sur l’évaluation des pressions exercées par les activités humaines sur l’environnement et la capacité de prise en charge par les éco systèmes locaux, nationaux ou internationaux. Sont également programmées des conférences de Karine Michel (labo de chimie) et de Myra Hird, professeure invitée au Collegium.
Bruno Latour vient de décéder, il était considéré comme le penseur du nouveau régime climatique. Vous l’avez connu, que vous ont inspiré ses travaux ?
En une phrase tranquille, Bruno dissolvait des évidences et ouvrait des pistes, qu’on pressentait mais sans toujours avoir l’audace de les approfondir. Nous allons lui rendre un hommage ce 27 octobre, en présentant des textes qui ont réorienté notre manière de voir le monde et de s'y engager. Une manière de faire connaître son œuvre et d'en montrer la fécondité. J’y expliquerai comment il m’a appris ce que sont les atomes !
Entretien réalisé par le service communication de l'ENS de Lyon
Source : ens-lyon.fr
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