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Entretien avec Geórgia Amarante Pinheiro Monteiro

Portraits et témoignages

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09/06/2025

En mars 2024, Geórgia Amarante Pinheiro Monteiro, qui avait terminé son master à l’ENS de Lyon en 2023 a pris contact avec l’association des élèves et anciens élèves pour se renseigner sur son offre de parrainage dans le cadre d’une recherche d’emploi dans le domaine des sciences sociales. Elle souhaitait aussi développer son réseau. Marie-Laure Micoud, membre du conseil d’administration de l’association l’a conseillée. 

MLM : Tu viens de prendre de nouvelles fonctions. Peux-tu nous dire comment on arrive à ces fonctions et de façon concise, comment ton parcours amène à l’ENS de Lyon en venant de Belém au Brésil ?

GA : J’ai pris ces nouvelles fonctions d’assistante de direction au MRAP (Mouvement contre le Racisme et pour l’Amitié entre les Peuples) il y a plusieurs mois, mais j’ai de nouveau communiqué l’information sur le réseau LinkedIn récemment.

MLM : Je saisis l’occasion de proposer de se connecter sur notre page LinkedIn (distincte de celle de l’ENS de Lyon)  Alumni ENS Lyon-Fontenay-Saint-Cloud.

GA : En 2024, en fin d’études de master 2 à l’ENS de Lyon en sciences sociales, j’ai effectué des stages bénévoles en France qui ont enrichi mes études et m’ont ouverte sur d’autres milieux. C’est grâce à mon tuteur au sein de l’association CSIA (Comité de solidarité avec les peuples autochtones des Amériques) que j’ai identifié cet emploi d’attachée de direction pendant mon stage de volontaire en service civique (février-novembre 2023)  Je l’ai obtenu car il est en phase avec mes compétences et connaissances et mon expérience. J’ai déjà fait trois stages à Belém. Deux se sont déroulés dans l’administration publique de l’État fédéral du Pará (Relations internationales, février-décembre 2018, Relations publiques, février-décembre 2019). Le troisième stage a été mené à l’USAID/FEPIPA (Fédération des peuples autochtones de l’État du Pará).
De plus, cet emploi d’attachée de direction me permet également de rester en France avec un travail en liaison avec mon double parcours. J’y suis chargée de développer l’activité avec deux objectifs. Le premier est le développement du réseau par la communication interne avec une approche particulière en direction des jeunes militants. Le deuxième objectif est de développer aussi la communication externe en utilisant les réseaux sociaux pour atteindre un public jeune sur la base d’une communication renouvelée. C’est un poste très polyvalent où on doit savoir tout faire y compris suivre les financements et les fonds nécessaires à l’activité car l’équipe de direction est très réduite. La communication n’est pas distincte de l’animation de la communauté composée de 70 comités locaux. J’assure une partie de la communication interne entre la direction de l’association et les adhérents en France. Il faut assurer la continuité de l’application de la charte de départ du MRAP et renouveler ses actions et ses acteurs.

Je reviens sur mon parcours. J’ai fait mes études au Brésil à l’université d’Amazonie. La licence (pour moi de 2016 à 2019) comprend quatre années et se termine par un mémoire, comme le master en France. La directrice du mémoire de licence, Madame la professeure Brenda de Castro m'a ouvert l'esprit sur les questions sociales à l'international.
J’avais choisi une licence en relations internationales suivie d’un master en diversité socioculturelle de 2020 à 2023 au Musée de l’État du Pará, le Musée Paraense Emilio Goeldi. Le sujet était : Traditions et défis contemporains dans les arts autochtones, un dialogue avec des curatrices et des artistes entre l’Amazonie et la France. Lors de ce parcours, mes enseignants m’ont marquée et ils m’ont fait comprendre à quoi pouvaient servir mes études : il faut une base sociologique et politique pour lancer un appel à l’action. Pascale de Robert, ma directrice de mémoire de master au Brésil est une chercheuse de l’IRD, docteure en anthropologie sociale, qui a laissé une forte empreinte en moi et a été un soutien actif en France. C’est la raison pour laquelle j’ai choisi de continuer mes études en France, pays qui a rédigé la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen. C’est aussi pourquoi j’ai choisi à dessein l’ENS de Lyon pour mon master de sciences sociales (2021-2023) en raison de son caractère spécifique et de son potentiel pluridisciplinaire. Le modèle des universités françaises et le monde académique, leur méthodologie de travail, leur registre de langage en sociologie sont si différents du modèle anglo-saxon.

MLM : Et l’ENS de Lyon, quels atouts en as-tu tirés  ?

GA : L’ENS a ouvert mon réseau de connaissances à partir de mon groupe de master et à partir des associations du type TrENSistor. Elle m’a permis de connaitre des milieux à l’international et en France d’une grande richesse. Je reste très attachée à mes camarades avec qui j’ai partagé ces deux années, plutôt des littéraires, et je souhaite maintenir le lien créé. J’ai également compris qu’en France il est important de participer à des associations. Participer à une association, c’est aussi une façon concrète de mettre en pratique ce qu’on apprend dans nos formations, notamment dans les sciences sociales. Cela permet de passer de la théorie à l’action, de comprendre les réalités de terrain et d’expérimenter des postures professionnelles. Mais au-delà de l’expérience professionnelle, c’est aussi une véritable formation citoyenne, on y apprend à s’impliquer dans le milieu qu'on vit.

L’ENS m’a, par ailleurs, beaucoup soutenue : le responsable du master de sciences sociales à l’ENS m’a aidée à trouver un stage sur un thème pleinement au cœur de mes sujets (le pouvoir de la société civile, des peuples autochtones dans les relations politiques et internationales).  Je suis reconnaissante à l’ENS qui m’aidée à financer mon master grâce à la bourse d’excellence Ampère et à présenter mon rapport de stage au sein d’une association non gouvernementale.
Ma directrice de mémoire à l’ENS de Lyon, Pascale de Robert, m’a orientée vers une recherche dans le domaine des sciences politiques plutôt que de rester sur la formation en anthropologie. Elle m’a donné des liens avec les responsables du musée des Confluences. Je n’ai pas collaboré avec le musée lyonnais pour l’exposition Amazonies qui est ouverte actuellement jusqu’au 8 février 2026. J'ai réalisé des interviews avec la responsable des collections ethnographiques parce que mon mémoire portait sur une collection exposée actuellement. Ma directrice de mémoire, docteure en anthropologie sociale (EHESS, Paris) et en écologie tropicale (ULA, Venezuela), a gentiment accepté de conduire ma recherche même si j’ai eu des formations plutôt politiques et sociales, et nous avons eu de bonnes discussions qui faisaient le lien entre différents univers ou domaines.

J'ajouterai juste que je tiens à exprimer ma reconnaissance envers mon ancestralité amazonienne (ancestralidade en portugais) et envers celles et ceux qui portent les savoirs de cette partie du monde. Leur regard m’a appris à voir autrement, à penser autrement, et à orienter mes recherches avec sens. En France, je souhaite tracer un chemin qui fasse le pont entre ces cultures, et à contribuer humblement au mieux-être de nos sociétés.

Propos recueillis auprès de Geórgia Amarante Pinheiro Monteiro (ENS de Lyon, Sciences humaines et sociales, sciences sociales, 2021) par Marie-Laure Micoud (1974 L FT et ENA, 1982) le 30 avril 2025.

Illustration : A Belém, capitale de l'État du Pará (Brésil), en 2019. Archive privée.


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