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Entretien avec Yohann Thenaisie, vainqueur de Ma thèse en 180 secondes

Portraits et témoignages

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27/10/2021

Yohann Thenaisie est un Alumni de l’ENS de Lyon, titulaire du master de biologie (2014). Il a remporté le 30 septembre dernier le premier prix de la finale internationale du concours « Ma thèse en 180 secondes ». Aujourd’hui, l’heureux vainqueur prépare sa thèse « Implémentation d’un protocole de stimulation cérébrale profonde adaptatif ciblant les troubles de la marche dans la maladie de Parkinson » au centre NeuroRestore de l’École polytechnique de Lausanne.

Revenons sur ton parcours. Comment es-tu arrivé à l’ENS de Lyon ?

Yohann Thenaisie : Difficilement ! J’ai fait une prépa BCPST à Poitiers, où j’ai cubé. Seules les ENS m’intéressaient, je ne voulais pas faire agro-véto. Je n’ai pas eu les concours, je n’étais même pas admissible. J’avais toutes les autres écoles, à part les ENS. J’ai quand même déposé un dossier de candidature à l’ENS de Lyon. J’étais parti pour aller en fac de neurosciences à Marseille, je venais même de trouver un logement quand j’ai reçu un mail « vous êtes pris à l’ENS sur dossier ». J’ai sauté de joie, j’étais super content. J’ai donc été en biologie pendant 3 ans à l’ENS de Lyon.

Quels profs t’ont le plus marqué ?

Y. T. : Il y avait Stéphane Vincent (MCF, ancien élève de la promotion 1991), un passionné passionnant ! Mais aussi Dominique Baas, qui dirigeait le Master (MCU – UCBL, INMG) et négociait les non-sens administratifs imposés pour les conventions de stages, Laurent Balvay (MCU - CIRI)... et un super prof de génétique : Fabien Mongelard (MCU – CRCL). Une des premières slides de l’année, c’était un plat de spaghetti bolognaise qu’il a commenté par « ça, c’est l’ADN ». On a tous ri alors qu’il était très sérieux et il nous a ensuite expliqué pourquoi.

Tu évoquais le fait de ne pas faire d’école d’agro-véto, pourquoi ?

Y. T. : Mes parents ont fait une prépa agro-véto et sont devenus vétérinaires tous les deux. Je suis vraiment un produit du déterminisme social. Je voulais devenir comédien mais ils m’ont dit « fais un bac S, fais des études scientifiques, et tu seras saltimbanque après ». J’ai donc fait un bac S et une prépa BCPST comme eux. Je pensais que c’était une prépa de sciences, assez généraliste et que je pourrais ensuite faire ce que je voulais. La seule chose qui m’a intéressé ensuite c’était la recherche en neurosciences, ce qui n’est pas vraiment le terrain de ces écoles.

Une fois arrivé à l’ENS de Lyon, tu t’es impliqué dans de nombreuses associations. Tu peux nous en dire plus ?

Y. T. : Les associations auxquelles j’ai le plus participé : les Improfesseurs (la troupe d’improvisation de l’association EnScène) qui organise un entraînement tous les lundis soirs, et l’association « Confér’ENS » qui était un peu morte à l’époque et que j’ai relancée.

J’ai aussi organisé un évènement qui s’appelle « Vulgarizators », qui existe encore. L’idée était d’inviter des vulgarisateurs scientifiques à venir donner des présentations de format inspiré des TED Talks. Pour la 1ère édition, les intervenants étaient Bruce Benamran de e-Penser, Patrick Baud d’Axolot, Léo Grasset de Dirty Biology, Marion Montaigne de Tu mourras moins bête. Cela avait été un immense succès, nous avions même dû refuser des personnes… On s’est alors dit qu’il fallait qu’on continue. Il y a eu une deuxième édition après, puis j’ai laissé le bébé à d’autres.

Nous avons aussi lancé les conférences Open Minds. Il y a aussi le club Murder, aujourd’hui rattaché au Bureau ludique (l’association ludique de l’ENS de Lyon), dans lequel on y fait des Jeux de rôles Grandeur Nature. Je joue encore beaucoup avec cette association.

Et nous avions aussi lancé ENSavoir, le principe était de faire des vidéos scientifiques sur YouTube, mais à la fin de notre Master 2, le club n’a pas été repris.

Tu es donc encore beaucoup en contact avec les étudiants actuels de l’ENS de Lyon ?

Y.T. : Oui, l’ENS pour moi, c’est une maison. Le foyer de l’ENS, c’est notre maison dans notre cœur, là où on se sent le plus à l’aise. 


Le jour où je n’ai plus pu badger à l’ENS de Lyon, je me suis senti expulsé de chez moi.


 Il y a beaucoup de gens de l’ENS qui vivent encore à Lyon, particulièrement du club Murder, qui sont restés très proches les uns des autres.

Pour Ma thèse en 180 secondes, comment t’est venue la métaphore de l’orchestre pour illustrer ton propos ?

Y.T. : C’est une métaphore assez courante de parler du cerveau comme d’un orchestre. Miguel Nicolelis, chez qui j’ai fait mon stage de Master 1, une superstar scientifique au Brésil, et qui a son laboratoire à l’université de Duke aux Etats-Unis, avait déjà développé cette métaphore dans un livre de vulgarisation en neurosciences. J’ai rajouté la dopamine comme chef d’orchestre sur cette métaphore parce que ça colle pour le sujet dont je veux parler.

Ce qui est super avec le cerveau, c’est qu’on peut écouter le bruit qu’il fait. Quand tu y places une électrode, tu peux convertir le signal électrique en signal sonore, et donc tu peux le mettre sur une enceinte et écouter le bruit du cerveau. Quand tu entends ça la première fois, tu te demandes ce que sont ces grésillements.

On sait donc à quoi correspond chaque son dans le cerveau ?

Y.T. : Imaginons : nous sommes dans une salle d’opération, le patient est allongé sur la table, on lui insère une électrode dans le cerveau. Le neurophysiologiste est à côté, il a branché les électrodes sur son appareil qui convertit en son et il écoute. Toi, ce que tu entends, ce sont des grésillements, comme si on roulait sur du gravier… Et à un moment le neurophysiologiste prévient « C’est là ! ». Il arrive à entendre la différence entre ces grésillements et ce moment où on roule sur du gravier. Ces moments-là, ce sont en fait des neurones qui déchargent, et tu les entends très clairement. C’est là que l’on rentre dans le noyau sous-thalamique, qui est la structure ciblée lorsqu’on étudie la maladie de Parkinson ou qu’on veut faire de la stimulation cérébrale profonde.

Maintenant lorsque je roule sur le gravier, je trouve ça très plaisant, pour moi ça veut dire que je suis en train de capter de beaux signaux, de belles données, de beaux neurones !

Quelle préparation demande Ma Thèse en 180 secondes ?

Y.T. : Je faisais déjà beaucoup de théâtre depuis tout petit et de l’improvisation, à l’ENS de Lyon aussi. Au cours de notre formation académique, on a eu très peu de cours pour ce type d’exercice. À part peut-être en cours d’anglais avec Gilles Christoph et Sabine Remanofsky au centre des langues, qui font un travail formidable pour nous apprendre à présenter.

A l’université de Lausanne, j’ai été très bien coaché : des professionnels de la communication, des comédiens, des journalistes, un graphiste, une sophrologue m’ont accompagné et appris à faire ça. Ce serait bien d’avoir ce type d’accompagnement à l’ENS de Lyon. Pour leur demande de fonds, les chercheurs ont besoin de faire des présentations écrites et orales pour défendre leurs projets, il faut qu’ils sachent comment faire. Il faudrait donner des cours de communication scientifique aux élèves et aux profs.

Qu’est-ce que t'a apporté Ma Thèse en 180 secondes ? C’est quoi la suite ?

Y.T. : Ça m’a apporté beaucoup de visibilité, on me contacte pour des projets. Pour la suite, ce qui m’intéresse, ce sont des projets de médiation scientifique, pour pouvoir devenir saltimbanque scientifique !

Et pour finir, qu’est-ce qu'il t’aura le plus marqué à l’ENS de Lyon et quel(s) conseil(s) aurais-tu à donner aux nouveaux élèves et étudiant(e)s de l’ENS de Lyon ?

Y.T. : Je leur conseillerais de profiter de la vie associative. Certains peuvent souffrir du syndrome de l’imposteur, notamment ceux qui ne viennent pas de prépa, ou qui sont pris sur dossier. La plus grande richesse, je l’ai trouvée dans la vie associative ; on est vraiment privilégiés. Beaucoup de moyens sont mis à disposition par l’École pour très peu d’étudiants, et c’est aussi le cas pour les cours. Il faut vraiment essayer d’en profiter. Bien vivre sa scolarité, c’est aussi ne pas s’enfermer à travailler tout le temps.

 

Revoir la prestation de Yohann Thenaisie lors de la finale internationale « Ma thèse en 180 secondes »  :



Site internet de Yohann Thenaisie

Yohann Thenaisie a remporté le concours "Ma thèse en 180 secondes"


Crédit photo : ©Billotte-CUSO

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