Il avait fallu construire

L’École ouverte en 2000 était en gestation depuis des années. Sitôt actée la délocalisation (et ceci aussi a une longue histoire), se sont succédé des réunions régulières avec le ministère, quasi hebdomadaires à certaines époques, afin d’asseoir le sort de tout le personnel, éducatif et administratif, selon les vœux de chacun, et donc de programmer des recrutements. Mais aussi des voyages Fontenay-Lyon, auprès des autorités administratives bien sûr, et des collègues universitaires avec lesquels il fallait bâtir un nouveau partenariat, des visites aux classes préparatoires pour les informer et rassurer. Puis, côté chantier, un travail, quasi quotidien, avec la maîtrise d’ouvrage et la maîtrise d’œuvre. Sans oublier les réunions « en interne » avec les enseignants afin de redéfinir des objectifs et des organisations, et avec l’ensemble du personnel et des agents, afin que se passe au mieux cette nouvelle aventure, pensée par le Directeur comme une refondation intellectuelle des lettres et sciences humaines appuyées sur les nouvelles technologies. Il y eut bien des éclats dans ces réunions. Aventure pour les têtes, aventure dans la boue de Gerland.

Les élèves, par leur association mais aussi individuellement, ont alors beaucoup contribué à la réussite.

Et malgré cet investissement de dizaines et dizaines de personnes, au moins sur quatre ans, malgré quelques journées de quatorze heures et plus où rien ne semblait avancer alors que tout allait très vite, malgré ce travail donc, trois jours avant la rentrée, il a fallu que deux entreprises travaillent encore toute une nuit pour que la bibliothèque soit déclarée par les pompiers apte à recevoir du public. Une semaine avant, il avait fallu enregistrer les inscriptions vaille que vaille avec une informatique complexe, encore intermittente et fantasque, à peine installée dans ce que le nouveau secrétaire général appellerait « le krak des Chevaliers ». Et la veille il aura fallu calmer la panique devant des appartements encore encombrés de gravats dans la résidence toute neuve. Vu de si loin (vingt ans plus tard et tant de noms en tête) on ne peut que s’étonner de tant d’heures de tension et de tant d’heures de soulagement vécues par tout le personnel. Et de l’incroyable solidarité qui s’était installée. Malgré tant de traverses.

Un soir, tard, un peu épuisée, j’ai téléphoné à Henri Gaudin, l’architecte de l’École. Pour le remercier, pour lui dire que tous les soirs, traverser l’espace englobant mais ouvert sur jardin et rue, entre le bâtiment A de l’administration et les petits pavillons près de la résidence, était un voyage salvateur. Pour lui dire à quel point son intelligence des formes nous lavait et portait. Son navire était à la mesure de cette refondation.

Le matin de la rentrée, dans un hall pas encore terminé, pour la sécurité des élèves il fallait matérialiser des canaux de circulation et nous n’étions pas très tranquilles. Mais le Directeur avait eu un mot qui disait déjà la réussite : « les élèves sont assis sur le parvis. Ils ont adopté l’École ».

Francine MAZIÈRE (60 L FT), directrice adjointe,
chargée des études et des formations (1996-2001),
21 septembre 2020