Parvis Descartes, septembre 2000 : tout est devant nous
En 2000, tout était à naître. Tout était devant nous. Les structures étaient nouvelles, mais les fondations, et bien plus encore, étaient là : une « refondation » - était-ce un vain mot, un effet d'annonce ? Tout était neuf, mais surtout tout était à construire, malgré la nostalgie des anciens, avec l'enthousiasme des plus ou moins jeunes recrues. Tout était possible - et tout a été possible, pendant ces dix années.
Car on peut tout faire, en septembre de cette année 2000 : aller à une réunion de rentrée dans l'unique salle disponible, au restaurant, en enjambant les rubalises et en contournant les pelleteuses dans le jardin ; découvrir qu'il ne manque qu'un détail au bâtiment Recherche (le câblage) ; savourer les charmes d'une information disponible uniquement sur des écrans vidéos, et pendant quelques secondes - l'expérience a bientôt trouvé ses limites. Enfin une bibliothèque à notre mesure, et qui plus est adossée à une bibliothèque universitaire ! De l'espace, oui, mais des livres, point au-delà des portes battantes qui servaient de frontières aux deux bibliothèques, car celle de Lyon avait brûlé le 12 juin 1999. Ce n'était pas l'enfer (nous évitions même de trop nous plaindre devant nos collègues des universités lyonnaises) ; c'était un grand chantier, de ceux qui donnent l'immense satisfaction de savoir qu'on a beaucoup de travail devant soi, et que tous les outils sont à portée de main. Tout a été pensé, organisé, mis en œuvre, réalisé pour faire d'un vague terrain un laboratoire littéraire : en existe-t-il beaucoup à ce jour ?
Enseignants et élèves se cherchaient, se trouvaient, se reconnaissaient (ou pas), tentaient de retrouver des habitudes, d'en créer d'autres - l'enseignement des lettres ne s'invente ni ne se réinvente en quelques semaines, et il faut toujours puiser aux bonnes sources ; celles-ci n'avaient pas changé. La Tradition subsistait, rassurante : les missions de l'École étaient restées les mêmes, les ambitions étaient seulement plus grandes, et l'énergie ne manquait pas. Le cap de l'an 2000 avait été franchi, nous étions parés pour aller jusqu'à la fin du millénaire !
Nous le sommes toujours.
Catherine VOLPILHAC-AUGER (ENS, 1975 Lettres),
professeur de littérature du XVIIIe siècle (2000-2019), IHRIM,
15 septembre 2020
Pour citer ce texte : Catherine VOLPILHAC-AUGER, Parvis Descartes, septembre 2000 : tout est devant nous, Bulletin de l’association des élèves et anciens élèves des ENS de Lyon, Fontenay, Saint-Cloud, n°2, 2020, p. 40. |