Logo 20 ans de l'ENS LSHLes 20 ans de l'inauguration de l'ENS LSH à Lyon
Allocution du Président


En raison du contexte sanitaire, la célébration des 20 ans de la création de l’ENS LSH s'est déroulée en visioconférence le 11 décembre 2020. L’évènement a été ouvert par une allocution prononcée par Jean-François Pinton, président de l'ENS de Lyon. 

Bonjour à toutes et tous,

Le 11 décembre 2000, il y a 20 ans jour pour jour, l’École normale supérieure lettres et sciences humaines, « l’ENS LSH », était inaugurée officiellement. Nous aurions tous préféré nous retrouver ensemble sur le site Descartes, face à la plaque de l’inauguration de l’ENS LSH, située à côté de l’entrée du théâtre Kantor, mais je suis très heureux que nous soyons rassemblés ce matin, même à distance, pour célébrer ce moment important de la vie de l’École. Vingt ans déjà que les littéraires ont quitté les locaux exigus de Fontenay-aux-Roses pour venir s’installer dans le magnifique bâtiment conçu par Henri Gaudin et créer et faire vivre cette école, voulue, rêvée, inventée, par une poignée de pionniers, de bâtisseurs, prêts à quitter Paris pour rejoindre Lyon. À l’époque, comme 13 ans plus tôt pour les sciences exactes et expérimentales, il fallait accepter de quitter Paris ! En 1987, quand les sciences ont emménagé à Gerland, ce choix avait alors paru impossible aux littéraires ; en 2000 il était devenu possible. La farouche opposition à ce qu’il était commun d’appeler alors la « délocalisation » avait diminué. Même si je sais pour avoir discuté avec Sylvain Auroux (67 L SC) comme avec Guy Aubert (57 S SC), que le combat pour installer une ENS à Lyon a été encore plus rude côté littéraire que côté scientifique.

Ceux qui ont construit l’ENS LSH sont de courageux pionniers et nous pouvons aujourd’hui les en remercier. Même si en 2000 les temps avaient un peu changé. Les autorités politiques locales de l’époque, Raymond Barre en tête, voulaient faire de Lyon la capitale de l’intelligence. Après avoir attiré de grandes écoles scientifiques, il leur semblait nécessaire de faire venir une École normale supérieure littéraire. L’ensemble des acteurs du projet ont toujours souligné à quel point le soutien des pouvoirs publics nationaux, mais aussi locaux, a été déterminant. Les conditions d’accueil ont donc été au rendez‐vous, comportant parmi elles la construction d’une grande bibliothèque de SHS sur le campus de l’ENS. La Bibliothèque Diderot de Lyon tout comme l’ENS de Lyon fête aussi ses vingt ans. En 2000 donc, l’ENS LSH était attendue, mais ce n’est qu’un des éléments qui lui a permis de se réinventer à son arrivée à Lyon, sans « abolir la dynamique qui persévère d’un long passé », pour reprendre les mots de Sylvain Auroux. Sylvain Auroux qui nous a fait l’amitié de répondre à une interview qui sera diffusée dans quelques minutes[1] (et que je salue s’il est connecté).

Mais revenons un instant sur le long passé de notre École, sur nos racines, dont nous avons tout lieu d’être fiers 140 ans après la création des Écoles de Fontenay et de Saint‐Cloud. Notre École est ancrée dans la vision de l’éducation républicaine portée par la Troisième République. Avec les lois Ferry, l’école primaire devient obligatoire, gratuite et laïque, la France crée des écoles normales pour former les institutrices et les instituteurs, ces fameux hussards noirs de la République. A Fontenay et à Saint‐Cloud, on forme donc les maîtres des maîtres. En cultivant déjà ce qui fait la singularité de nos établissements, le regroupement en un même lieu de toutes les disciplines académiques fondamentales. En cultivant aussi une réflexion et une ambition sur la formation des esprits et la pédagogie. Je rappelle qu’un certain Ferdinand Buisson, auteur du Dictionnaire de pédagogie et d’instruction primaire, directeur de l’enseignement primaire de Jules Ferry et plus tard professeur des sciences de l’éducation à la Sorbonne, a présidé à la création des Écoles de Fontenay et de Saint‐Cloud. Le nom du bâtiment Buisson de l’autre côté du jardin, construit pour accueillir l’INRP d’abord, devenu l’Institut français de l’Éducation à partir de 2011 au sein de l’École, n’a pas été choisi par hasard. 

D’abord centrée sur l’enseignement primaire, la formation dans les Écoles de Fontenay et de Saint‐Cloud s’est orientée ensuite vers l’enseignement secondaire avec la formation à l’agrégation, puis vers l’enseignement supérieur et la recherche. Création du premier concours mixte en 1981, décision d’installer les sciences à Lyon prise en 1985, effective en 1987, vous connaissez la suite… La séparation entre les sciences exactes et expérimentales d’une part, et les lettres et sciences humaines et sociales d’autre part, n’a été qu’une parenthèse dans l’histoire de notre école. Elle n’aura d’ailleurs pas duré très longtemps au regard d’une histoire déjà longue de 140 ans.

L’arrivée des disciplines littéraires et des sciences humaines et sociales sur le site Descartes en 2000, c’est donc tout à la fois la refondation d’une ENS en SHS et aussi ce qui a rendu possible ce que nous sommes aujourd’hui, une ENS pluridisciplinaire, regroupant l’ensemble des disciplines qui permettent d’appréhender le monde d’hier et d’aujourd’hui et de donner une ou des lectures, intelligibles, rationnelles, créatives également, au monde de demain. Sylvain Auroux vous fera part tout à l’heure de ce qui a motivé sa vision de la refondation de l’ENS à Lyon et de ce qui l’a rendu le plus fier. Il y parle de culture, de création, de dialogue, de sciences et d’humanités. Il y parle aussi de la manière dont il a voulu structurer et formaliser la formation que l’ENS dispense à ses élèves et étudiants, en lui donnant un contenu spécifique. « Le fondamental de la formation » dit‐il. Cette formation spécifique, suivie par nos normaliens élèves et étudiants, est aujourd’hui incarnée par le diplôme de l’ENS de Lyon. L’ambition de Sylvain Auroux pour l’ENS LSH était qu’elle soit une grande école du XXIe siècle, fondée sur les sciences humaines et les nouvelles technologies. Ce dessein d’une grande modernité, il a su le mettre en œuvre. Dans le portrait que lui a consacré le CNRS lors de la remise de sa médaille d’argent, Sylvain Auroux est qualifié de « bâtisseur du savoir ». Avec les enseignants‐chercheurs qui l’ont suivi, ceux qui ont été formés par eux et dont certains sont ici aujourd’hui, c’est une génération de bâtisseurs du savoir qui est issue de l’ENS LSH. De ça aussi Sylvain Auroux peut être fier, et toute notre École à ses côtés. Cette dynamique a été reconnue ces dix dernières années par de nombreux succès académiques, distinctions et projets d’envergure. Les Labex COMOD, ASLAN, IMU[2] & l’École urbaine, l’Institut Convergence H20, pour ne citer que quelques exemples.

Enfin, revenant à notre trajectoire, c’est parce que l’ENS LSH a été créée sur le site Descartes, à quelque 400 mètres du site Monod, que nous sommes aujourd’hui, et depuis 10 ans, l’ENS de Lyon. Avec un dialogue retrouvé entre littéraires et scientifiques, la conscience profonde d’une culture commune, bien au‐delà des différences disciplinaires. En échangeant avec les membres du Comité 20 ans qui a été chargé de préparer cet événement, je les en remercie, j’ai entendu à plusieurs reprises cette réflexion : « nous devons montrer à quel point les élèves sont les acteurs de notre École ». Car ce qui fait la richesse et la singularité d’une école, c’est d’abord la qualité de ses étudiants. Elle motive nos enseignants, enseignants‐chercheurs et chercheurs. Et le parcours des anciens nous fait vivre bien au‐delà de nos murs. Nous avons la chance d’attirer les étudiants les plus motivés par le désir d’apprendre, par le goût de la connaissance. Ils ne sont rebutés ni par le travail, ni par l’abstraction. Ils nous apportent leur curiosité, leur intelligence, nous leur enseignons la rigueur de la méthode scientifique, l’exigence du doute, l’humilité devant l’immensité des champs qui restent à explorer, devant les complexités restant à défricher/déchiffrer. Tous ont en commun d’être formés par la recherche, à la recherche, avec la compréhension des temps longs, de la richesse des chemins de traverse aussi, souvent plus créatifs que les autoroutes de la pensée.

J’aimerais que la programmation des 20 ans, qui va vous être présentée par Thierry Dauxois (87 S SC), donne à voir la richesse et la valeur de notre École au prisme des SHS. Qu’à travers les conférences, les tables rondes, les expositions, nous mettions en lumière notre « fonds commun » de culture partagée. Le programme du séminaire « 20 ans de LSH à l’ENS de Lyon : contributions et perspectives[3] » nous permettra d’aborder et de mettre en perspective des questions où les SHS et le dialogue entre les disciplines sont essentiels pour mettre nos connaissances et nos consciences en prise sur le monde d’aujourd’hui et de demain. Pierre-François Moreau (ENS 1968 Lettres), dans une intervention au conseil scientifique hier, a dit qu’il espérait que les SHS dans les 20 prochaines années ne seraient pas simplement considérées comme le supplément d’âme des sciences dures. Comme j’entends cela !

Nous sommes dans une ENS qui, par essence, cultive la pluridisciplinarité, le dialogue entre les disciplines, avec une taille suffisamment petite pour que les gens se croisent et suffisamment grande pour rendre possibles des « rencontres improbables ». Nous sommes aussi confrontés, aujourd’hui plus encore qu’hier, à des enjeux de société que seule la multiplicité des approches permettra d’aborder.

Depuis plusieurs années, nous sommes reconnus internationalement comme l’une des dix meilleures petites institutions intensives en recherche et formation. Ce dont je suis certain, c’est que l’alliance des sciences et des humanités y apporte une forte contribution.

Avant de laisser la parole à Sylvain Auroux (67 L SC), je voudrais remercier toutes celles et tous ceux qui contribuent et contribueront à l’organisation des événements autour des 20 ans de l’ENS LSH. Je ne les citerai pas tous ici, mais je voudrais adresser un salut tout spécial à l’association des élèves et anciens élèves et plus largement à nos alumni, dont je sais que certains nous écoutent ce matin. J’ai voulu, à ma prise de fonctions en tant que président, créer un vrai levier de développement pour l’École, à travers la création d’une plateforme Alumni, qui s’appuie sur une collaboration étroite entre l’Association des anciens élèves et les services de l’ENS de Lyon. Nous nous sommes aujourd’hui dotés de cet outil[4]. L’Association des anciens élèves est très mobilisée dans l’organisation des 20 ans, je les en remercie et également Christine de Buzon (71 L FT) — qui a été directrice adjointe chargée des études de l’ENS LSH — et qui interviendra tout à l’heure.

Je vous souhaite, je nous souhaite, un très beau 20e anniversaire des LSH à l’ENS de Lyon ! Et vous invite à écouter Sylvain Auroux, premier directeur de l’ENS LSH.

Jean-François PINTON (80 S SC)

Ce texte a été initialement publié en ligne sur la page http://www.ens-lyon.fr/lecole/20-ans-de-la-creation-de-lens-lsh/anniversaire-de-linauguration-de-lens-lsh où l’on retrouvera aussi les captations de Sylvain Auroux, Pierre-François Moreau et Thierry Dauxois.

[1] Voir le texte dans cette même rubrique : L'alliance des sciences et des humaines. (Note des éditrices)

[2] COMOD : Constitution de la modernité (analyser la plateforme civique des démocraties européennes). ASLAN : études avancées sur la complexité du langage. IMU : Intelligence des mondes urbains. (Note des éditrices)

[3] Voir http://www.ens-lyon.fr/lecole/20-ans-de-la-creation-de-lens-lsh/seminaire-des-20-ans-de-lsh-lens-de-lyon et le texte : Le séminaire « 20 ans de LSH à l’ENS de Lyon ».

[4] La plate-forme a été inaugurée en mai 2019 : https://alumni.ens-lyon.fr/


Pour citer ce texte : Jean-François PINTON, Les 20 ans de l’inauguration de l’ENS LSH à Lyon, Bulletin de l’association des élèves et anciens élèves des ENS de Lyon, Fontenay, Saint-Cloud, n°1, 2021, p. 59-61.