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S’installer à Lyon


À titre personnel, je vivais en direct une opération de décentralisation. Non pas un changement individuel de lieu de travail mais un transfert collectif, et, d’une certaine manière une mise à l’épreuve concrète du thème « délocalisation, décentralisation, aménagement des territoires » tel que si souvent enseigné en géographie. Il s’agissait donc de construire de nouveaux repères dans une double interaction, celle du moi - enseignante et chercheur, celle du nous - établissement d’enseignement supérieur à insérer dans le paysage universitaire lyonnais. Certes des contacts avaient été pris auparavant, un programme lancé en partenariat avec l’UMR rhônalpine SEIGAD mais les orientations de travail restaient à mettre en pratique. Et, de plus, les liens parisiens continuaient ; pour avoir participé à l’aventure « Jeune équipe PARIS » (Pour l’Avancement des Recherches en Interactions Spatiales) avec Thérèse Saint-Julien et Denise Pumain (65 L FT) puis Marie-Claire Robic (65 L FT) et à l’animation du DEA associé, le DEA ATEG (Analyse Théorique et Épistémologique en Géographie), je restais encore très impliquée dans ces structures ; je continuai à tenir un séminaire à ce DEA, vivier de thésards potentiels.

Concrètement l’année 2000 fut pour moi une année de fort nomadisme, entre Lyon où un pied-à-terre s’est vite avéré nécessaire, Paris où depuis l’entrée comme élève à l’École j’avais construit toute ma vie, et le refuge montagnard du Trièves en sud-Isère où, familialement, j’avais mon nouveau (et dernier) domicile. A la fois un sentiment d’action, un plaisir inattendu de la mobilité entre le TGV d’une part et la conduite rapide le vendredi soir sur l’autoroute pour retrouver la campagne, ce qui ne m’empêcha pas assez vite d’en subir une vraie fatigue.

Comment contribuer à insérer l’École dans le paysage universitaire lyonnais tout en lui gardant son identité séculaire ? Était-ce même la bonne problématique ? J’étais alors responsable du programme SAFE (Fondation Soros, Ambassade de France, ENS) réunissant les quatre ENS ; ce programme recrutait par concours chaque année dix boursiers d’Europe centrale et orientale, principalement roumains, ensuite répartis entre les quatre ENS. De ce poste j’ai aussitôt constaté en 2000 le risque de marginalisation/provincialisation lié à l’arrivée à Lyon : les étudiants étrangers que recrutait ce concours étaient peu attirés par Lugdunum (sauf ceux passionnés de montagne). C’est donc sur une image attractive de la nouvelle École qu’il fallait travailler à l’international. Il fallait faire connaître cette nouvelle École hors les frontières, investir la dynamique de la construction européenne post-1989. Dans cette perspective, la soutenance de thèses avec des jurys internationaux était une belle opportunité. Coïncidence, c’est en 2000, que je faisais soutenir trois thèses sur des villes capitales – Bucarest, Budapest et Berlin. Ainsi a pris consistance le profil d’un poste de responsable des relations internationales dont j’eus la charge à partir de 2002.

Et pour cela je bénéficiais d’un vrai atout : ma passion du lieu immédiat, l’École. Son architecture épurée, lumineuse, insérée dans le jardin, était une promesse chaque matin renouvelée d’un regard à la fois stimulé et apaisé sur une vraie création. Certes, en 2000, c’était encore beaucoup de boue, des cartons partout dans les couloirs, mais la promesse était là, évidente.

Violette REY (63 L FT),
Foreyre, 14 octobre 2020

Violette Rey a enseigné à l’ENS de Fontenay-Saint-Cloud puis à l’ENS de Lyon de 1986 à 2006.


Pour citer ce texte : Violette REY, S'installer à Lyon, Bulletin de l’association des élèves et anciens élèves des ENS de Lyon, Fontenay, Saint-Cloud, n°2, 2020, p. 42-43.