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Deux types sur le chantier


Je l’avais croisé alors que j’étais en poste à l’université de Saint-Étienne, où je faisais mes premières armes de professeur depuis quelques années déjà. Personne n’avait voulu me croire quand j’avais opté pour ce poste alors que j’avais aussi été élu, la même année, et à Orléans et à Aix-en-Provence. Le président de la 11e section du CNU m’avait même appelé au téléphone, croyant à quelque erreur de ma part. C’était l’époque où l’on était auditionné par l’auguste assemblée avant de voir son dossier définitivement qualifié pour les fonctions auxquelles on venait d’être élu dans les établissements. Je lui avais expliqué que non, que j’avais toute ma tête, que je préférais commencer ma carrière dans un petit établissement dans lequel les professeurs n’étaient pas légion et où, par ailleurs, les collègues habitaient sur place. Ce grand poéticien, lui-même issu de l’École, ne comprit pas ma stratégie, ne se priva pas de me le dire, et, de toutes parts, on se posa bien des questions sur mes secrètes motivations.

C’était pourtant simple : très jeune, il me fallait urgemment apprendre tous les rouages du métier, et je sentais confusément que cela ne serait pleinement possible que dans un établissement bien proportionné, où, par ailleurs, je pourrais avoir les coudées relativement franches. Car je voulais aussi montrer ce dont j’étais capable, au niveau local, puis par ricochet au niveau national. L’ambition n’était pas un gros mot pour moi. J’étais toutefois persuadé qu’il fallait construire un projet sur des bases solides, avec méthode et patience. Saint-Étienne tiendrait toutes ses promesses à cet égard. Contré par les petits barons locaux, mais bénéficiant de l’aide résolue du président de l’université et du doyen des Lettres, pourtant de bords politiques opposés, j’avais créé la préparation à l’agrégation d’anglais, monté une équipe de recherche renommée, lancé une belle collection aux presses universitaires locales. On s’étonna de ces succès. Ne m’avait-on expliqué à mon arrivée que ma carrière se retrouverait vite dans une impasse ? La bibliothèque n’était-elle point d’une pauvreté navrante ? Or, très vite la conservatrice en chef m’avait promis que si je lui composais chaque année des listes cohérentes et argumentées elle m’aiderait à créer un des plus beaux fonds anglicistes de France en cinq ou six ans. Hubert Curien, ministre de la Recherche, était alors à la manœuvre et tout semblait possible. Nous étions peu nombreux à saisir l’importance du moment.

Lui, il était donc venu à Saint-Étienne présenter le projet de la relocalisation de l’ENS à Lyon, et il écoutait les réactions de ses interlocuteurs et interlocutrices. Il était flanqué d’une petite dame subtile et incisive, qui semblait être là pour tempérer ses ardeurs, mais dont la fermeté et la perspicacité faisait aussi partie d’une machine bien pensée et bien rodée. Son nom avait sans doute été mentionné, mais mon médiocre sens des relations publiques l’avait aussitôt effacé de ma mémoire. Le type prenait toute la place de toutes manières. Ma présence s’expliquait par le fait que j’étais élu au conseil d’administration et au conseil scientifique de cette petite université pluridisciplinaire, où j’étudiais chaque semaine les mœurs des médecins, juristes, économistes, chimistes et physiciens, absorbant beaucoup plus que je ne rejetais de ces cultures et pratiques pourtant moquées par mes camarades littéraires. Malin, le visiteur faisait sans cesse des comparaisons avec Grenoble, manifestement soucieux de ne pas alimenter la vieille querelle entre Lyon et Saint-Étienne – les bourgeois de la soie et les ouvriers du charbon –, ce qui m’amusait mais au fond me laissait de marbre. Cette histoire n’était pas la mienne. La question de l’ENS m’importait, en revanche, et j’observais. 

L’œil vif et perçant, la narine fine et méprisante, la lèvre gourmande et narquoise, la voix faussement douce, le visiteur parlait, mais surtout, je le voyais bien, il jaugeait, il jugeait. Ce type avait du caractère. Au bout d’un temps qui me parut interminable, agacé par toutes les belles déclarations d’intentions des faux-culs patentés, par toutes les réserves de pure forme des pisse-vinaigres de service, sans compter les sorties bravaches des idéologues de pacotille, je me résolus à prendre la parole pour poser des questions concrètes, les seules qui m’intéressaient : les conventions entre établissements, la validation des enseignements, les partenariats de recherche, etc. Le visiteur me rentra gentiment dans le lard, mais sur un mode tel que je n’insistai pas, balayant d’un sourire amusé et d’une main lasse le vent du petit boulet qui m’était adressé. J’avais aussitôt reconnu l’amateur de joute, le rhétoricien capable de pousser son interlocuteur dans ses retranchements en assénant des vérités toute provisoires. Je sus autre chose encore : son ironie trahissait un certain malaise quant aux problèmes que je soulevais. C’étaient donc les bonnes questions, mais je les posais trop tôt, trop brutalement, alors que le chemin n’était pas tracé. Le visiteur inventait sa propre route en marchant. Et s’il pouvait être désagréable et arrogant, force était de constater qu’il avait du répondant. S’il déployait le talent d’un manipulateur de première, tout était néanmoins subordonné à la cause supérieure qu’il défendait. Le sophiste était un conquérant.

A vrai dire, j’étais sceptique. Ancien de l’ENS de Saint-Cloud, du pavillon de Valois et de la résidence de la rue Pozzo di Borgo, j’avais vécu la fusion avec l’ENS de Fontenay-aux-Roses, survenue après mon départ de l’École, comme la première étape d’un démantèlement programmé. Les éminentes qualités de la directrice Jacqueline Bonnamour (45 L FT) ne changeaient rien à mes appréhensions. Le départ pour Lyon des scientifiques, parmi lesquels je m’étais fait beaucoup d’amis pendant ma scolarité, n’avait fait que confirmer ce sentiment. Si bien que lorsque j’avais entendu dire que l’ENS Lettres allait elle aussi être expédiée à Lyon, et qui plus est dans une zone industrielle se rapprochant dangereusement de Feyzin et de ses installations chimiques, j’en avais conclu que c’était leur façon de l’enterrer définitivement. Il faut dire que les directeurs que j’avais connus lors de ma scolarité m’inspiraient plus que de la méfiance. Mais ce directeur-là était différent. Une énorme réputation scientifique, des principes affichés, et aussi ce bagout, ce franc-parler, et du panache. Un homme d’action, enfin. De l’intelligence en marche. Moi qui venais pourtant de la mouvance Cixous et Derrida, sa virilité affichée ne me rebuta d’aucune manière. L’homme était un performeur. Il jouait au cowboy, mais il devait avoir un cœur en or.

Lorsque le téléphone sonna plusieurs semaines plus tard, je ne saisis pas immédiatement qui m’appelait. « Allo, Sylvain Auroux (67 L SC) à l’appareil… le directeur de l’ENS. ». « Ah. Heu… Bonjour Monsieur. ». « Voilà, j’ai apprécié vos réactions lors des réunions d’information à Saint-Étienne. J’ai besoin de quelqu’un comme vous pour refonder les études d’anglais à l’École. Je cherche des candidats ». « Mais vous ne me connaissez même pas ». « J’ai pris mes renseignements ». « Auprès de qui, je peux savoir ? » « On ne dévoile jamais ses sources ». Comment avait-il obtenu mon numéro, il ne me le dirait jamais. A qui avait-il pu parler, j’en n’en sus jamais rien. Universitaires, journalistes, philosophes, écrivains, femmes et hommes d’entregent, j’avais eu l’occasion de rencontrer beaucoup de personnages influents mais j’avais laissé ces liens s’effilocher. Moi, j’aimais les gens, pas les relations. Des gens avec qui vivre et parler, manger et boire, se disputer, rire de tout, essayer de penser sans codes convenus. Pas des relais, des leviers, des soutiens, des personnes « du même bord », rassurés d’avoir toujours raison au prétexte de poser aux belles âmes. Homme de gauche j’étais, « génération Mitterrand », mais les gens que j’aimais étaient souvent des bourgeois de droite, tendance chiraquienne ou radicale, impertinents, jouisseurs, iconoclastes, qui savaient se conduire comme des princes, et surtout ne pas se contenter d’un certain prêt-à-porter radiophonique. Or, le hasard avait voulu, quelques années plus tôt, que je travaille étroitement avec des gens de cet acabit qu’avait fort bien connus Sylvain Auroux dans sa jeunesse. Je penchai donc silencieusement pour cette explication, mais il me dirait plus tard : « Tu sais, en 68, ils étaient de l’autre côté de la barricade ». C’était rédhibitoire à ses yeux, du moins pour la galerie. Ce n’était pourtant pas mon histoire, là non plus, et j’avais trop vu de ces salauds qui avaient profité d’être « du bon côté des barricades », justement, pour se tailler des costards de luxe tout en crachant à la face de la jeunesse qui montait. Ces chicayas me semblaient pathétiques. Mes modèles étaient ailleurs. Je venais d’une famille qui pouvait avoir la tête haute.

« Préparez-vous » me dit-il. Le téléphone raccroché, la fébrilité me gagna. Je commençais à m’ennuyer à l’université Jean Monnet : je passais trop de temps et d’énergie à contrer quantité d’attaques, celles menées par les jaloux et les envieux, certes, mais aussi celles de ces seconds couteaux qui craignaient pour leur tranquillité. Mettre en branle des dynamiques indisposait. J’avais aussi de plus en plus l’impression que mes cours tombaient à côté de la plaque. Les étudiants grattaient comme des malades, mais me regardaient méchamment à intervalles réguliers, avant de ranger leurs affaires à toute vitesse une fois le cours fini et de disparaître dans les couloirs sans un mot, manifestement soulagés d’en avoir enfin fini avec la séance de torture, poignets et neurones en feu. Bref, cela faisait huit ans que j’étais à l’UJM et je me sentais à l’étroit. Un collègue doué mais paresseux, qui aurait pu devenir un ami s’il n’avait été aussi satisfait de ses sinécures et de ses confortables postures politiques, ne l’avait-il point théorisé lors d’une réunion en me regardant d’un air appuyé ? « Les crocodiles ont besoin de changer de marigot pour grossir ». Sylvain Auroux ne le savait pas (ou peut-être si, justement), Paris 3 (Sorbonne Nouvelle) venait de m’approcher pour me laisser miroiter un poste fort convoité. Indécis, je décidai de laisser les choses venir, c’est-à-dire de ne rien faire. 

Intriguer, faire campagne, courtiser, flatter, tout cela me répugnait. Et le gamin d’Algérie était confiant dans sa baraka.

Le téléphone sonna à nouveau quelques semaines plus tard, un samedi matin cette fois. « Sylvain Auroux à l’appareil. Que faites-vous aujourd’hui ? ». « Rien de spécial, pourquoi ? ». « Vous avez des bottes en caoutchouc ? ». « Heu, oui… ». « Je suis sur le chantier à Lyon. Rejoignez-moi. » « Pourquoi ? ». « Je veux vous expliquer ce qu’on va faire. Cela ne vous engage à rien. Venez juste voir ». Et c’est ainsi que je retrouvai Auroux dans la boue de Gerland par une belle matinée d’hiver. Il me montra les plans, me fit visiter le site. Je lui demandai comment il voyait les choses pour la section d’anglais. « Je veux une structure pyramidale. Un prof, trois maîtres de conf. Le directeur de section aurait le budget pour l’agrégation. Faudra faire venir les meilleurs en attendant de recruter. Il déciderait de tout. Mais je veux du 100% de réussite. Et la création d’un rattachement secondaire CNRS. Qu’en dites-vous ? » « J’aime bien le côté despotisme éclairé. Moi, le consensus mou, j’en bouffe tous les jours ». « On est faits pour s’entendre alors. Il faudrait monter un an à Fontenay pour organiser la transition. Vous sauriez gérer, non ? » « Oui, je pense, mais je préfère vous avertir : je ne suis vraiment pas un finaud quand on me cherche, limite gangster si on me chatouille. Il pourrait y avoir du sang sur la carpette ». « Lénine a dit, Camarades… ». « Je sais, je sais ». A quoi tient la naissance d’une possible amitié. Deux types sur le chantier qui parlent comme des mauvais garçons. 

De l’amitié, de la ténacité et même du courage il en fallut, car les choses furent plus compliquées que prévues. C’est une histoire que je raconterai ailleurs. Disons que deux ans plus tard triompha une vision des disciplines, de l’enseignement et de la recherche, et pour tout dire une idée républicaine de la refondation de l’ENS. Je renonçai donc à Paris 3, où, là aussi, le processus de recrutement s’avéra plus complexe qu’escompté. J’avertis mon concurrent le plus sérieux que je lui ouvrais le boulevard du succès, ce dont il me fut éternellement reconnaissant (je plaisante : en fait non, pas du tout du tout). Évidemment, quelques collègues se mirent à penser que je faisais encore le mauvais choix et ne se privèrent pas de me le faire savoir. Regard, ce champion des causes provinciales perdues. En réalité, mon équation était d’une absolue simplicité : l’École m’avait beaucoup donné ; je pouvais lui rendre un peu. Elle avait assuré ma vie professionnelle ; je devais l’aider à renaître. Auroux semblait croire en moi ; il me fallait lui prouver que j’étais l’homme de la situation.

Bien sûr, nous en vînmes à nous tutoyer, à la demande insistante de Sylvain je dois le préciser. Les épreuves nous avaient rapprochés, et l’épopée que nous vivions au quotidien favorisait une forte proximité. Les pieds dans la boue, les mains dans le cambouis, cela créait de la camaraderie. Je lui proposai pour ma part un juste milieu, consistant à marier le prénom et le pronom de politesse, plus approprié à une relation hiérarchique : « Sylvain, vous ». Ces logiques lui échappaient, sa génération croyait dur comme fer à ces effets d’égalité forcée. Il s’emporta, je dus céder. J’aime quant à moi les infinies complexités de l’usage des pronoms « tu » et « vous », incompréhensibles aux étrangers, sources de multiples hésitations, doutes, ajustements, pour les Français eux-mêmes. Je vouvoie avec bonheur et fierté certains de mes plus vieux amis, attends que l’on me vouvoie en de multiples circonstances et jusqu’au sein de la famille. Mais notre engagement dans la reconstruction de l’École faisait céder les digues qui protègent d’ordinaire la vie privée de la sphère professionnelle. Ainsi, il m’arrivait d’aller chercher quelque réconfort dans le bâtiment de la direction, tard en fin de journée, quand, épuisé, je quittais mon bureau en quête d’une signature, d’un conseil ou simplement d’un réconfort qui pouvait prendre la forme d’un bon verre, d’un cigare, d’un petit plat de Brigitte Auroux. La petite dame des premières réunions, dont j’avais tout de même appris et retenu qu’elle se nommait Francine Mazière (60 L FT), qu’elle était spécialiste de l’analyse du discours et surtout qu’elle était une cheville ouvrière essentielle de la relocalisation, était toujours dans les parages. Son intelligence pétillante, son dévouement sans limite à l’institution, son immense bonté, se conjuguaient à la rudesse provocatrice mais stimulante de Sylvain pour me faire penser que je vivais des moments exceptionnels, donnés à peu d’élus dans le monde universitaire. Je le dis aujourd’hui encore à qui veut l’entendre : mes huit années à la tête de la section d’anglais de l’ENS LSH furent et resteront les plus belles de ma carrière ; ma fréquentation de Sylvain Auroux durant près de sept ans demeure une source d’inspiration. Je fréquente nombre de mes ancien.ne.s élèves de Lyon, devenu.e.s des collègues et souvent des ami.e.s, avec qui je dîne ou bois un verre dans Paris, toujours à leur demande, et je sais que cette période d’exception, 2000-2005, fut une expérience largement partagée qui souda et scella bien des destins. 

Pourtant, ce tutoiement fut une erreur. Nous eûmes vers la fin du dernier mandat de Sylvain un très sérieux différend. Les oreilles sonnèrent, les portes claquèrent, les murs tremblèrent. Férouze Guitoun, la fidèle secrétaire, crut que nous allions nous entre-tuer et ferma toutes les portes de communication afin de ne pas effrayer les visiteurs tout en se tenant prête à intervenir si nécessaire. Sylvain, cramoisi de fureur : « Comment oses-tu ? Tu parles au Directeur de l’ENS, nom de Dieu ! Tu sais ce qu’on a fait pour toi ? ». Moi, livide de colère et d’indignation : « Je n’oublie rien, Sylvain. Je n’oublierai jamais. De la même manière que toi, tu ne devrais pas oublier ce que j’ai donné à l’École avant de me traiter de la sorte. Mais ce que je viens de te dire, c’est toi qui l’as cherché. C’est parce que je te dis « tu » que le reste a suivi. Je ne l’aurais jamais dit si tu avais accepté qu’on continue de se vouvoyer. En français les deux registres ne peuvent se conjuguer. Et ce n’est pas à un grand philosophe du langage que je devrais apprendre cela ». Un froid glacial et durable s’installa entre nous, et je refusai même d’assister à la cérémonie de remise des insignes de sa Légion d’honneur. Perfide et sot, je raillais le récipiendaire en faisant valoir que l’on remettait le grigri au moindre joueur de foot. Le recteur Alain Morvan (ENS L 65), pourtant prompt à se gausser, me sermonna avec délicatesse quelques jours plus tard, mais je n’en eu cure alors que je lui portais un respect et une admiration sans bornes pour sa détermination et son courage politiques. Je lui répondis sèchement : « Je m’incline devant Bonaparte, je tourne le dos à Napoléon le Petit ». Et tandis que je faisais cette jolie scène, je compris que Sylvain avait paradoxalement déteint sur moi.

Je ne regrette rien de cette brouille, ni non plus de mon langage inapproprié à l’endroit de mon supérieur hiérarchique. Je vécus son comportement à mon endroit comme une indignité, et comme nous étions, au fond, coulés dans le même moule, la violence verbale faisait partie du contrat viril qui nous liait. Qu’on ne se méprenne pas pourtant : je ne conserve pas la moindre amertume de cet épisode, et ma profonde et secrète tendresse pour l’homme ne fut jamais entamée. Nous étions épuisés, à cran, et les tempéraments ne pouvaient que s’échauffer. Avec le recul, je me dis malgré tout que mon directeur, sur le point de partir, avait dû estimer que ma mission à moi aussi était accomplie, que je pouvais déguerpir. Le vague intérêt supérieur de l’établissement qu’il invoqua ne fut jamais qu’un alibi ; il lui fallait juste une occasion pour tenter de m’abattre ou me chasser. Les grands fauves sont des tueurs, par instinct ou par calcul peu importe. J’aurais dû m’en souvenir, me préparer. En tout cas, il me rendit ma liberté, je le sus ce jour-là. J’attendis donc le nouveau directeur, qui s’arrangea habilement pour exploiter cette fâcherie, mais après avoir vite fait le tour de la question, je décidai, au bout de huit ans une fois de plus, qu’il était temps de raccrocher les gants. Je le fis savoir ça et là, et Paris 4 (la Sorbonne) ne tarda pas à m’envoyer un message : ma candidature pourrait être considérée avec intérêt. Je fis mes bagages à l’automne 2008, les larmes aux yeux. Le successeur de Sylvain me traita de « traître » et me ferma sa porte, quand Sylvain à qui je n’avais pas parlé depuis trois ans, averti je ne sais comment, m’envoya un message émouvant pour me remercier de tout ce que j’avais fait pour l’École. L’élégance élémentaire des grands.

Frédéric REGARD (78 L SC), professeur de littérature anglaise
à l’ENS de Lyon de 2000 à 2008, octobre 2021

Pour citer ce texte : Frédéric REGARD, Deux types sur le chantier, Bulletin de l’association des élèves et anciens élèves des ENS de Lyon, Fontenay, Saint-Cloud, n°2, 2021, p. 55-58.