Témoignage de Pascal Faure
Promotion 1976, Sciences, Saint-Cloud
Je suis de la promotion 1976 Sciences de l’École normale supérieure de Saint-Cloud, plus précisément en biologie animale. J’ai obtenu une maîtrise d’enseignement de sciences naturelles à l’université Paris-VI en 1978, puis un DEA de biochimie à Besançon en 1980, avant de réussir le CAPES externe de sciences naturelles en 1981 et l’agrégation externe de sciences de la vie en 1984. Je suis devenu inspecteur d’académie - inspecteur pédagogique régional pour les sciences de la vie et de la terre puis délégué au numérique pour l’académie de Nancy (1993-2018).
J’aurais plaisir à lire les témoignages de camarades de l’époque et je les invite à compléter, préciser ou corriger ces souvenirs par leurs réactions.
La réussite à un concours
Mes parents étaient instituteurs ; j’ai baigné dans le contexte de l’Éducation nationale dès ma plus tendre enfance. J’ai découvert l’existence des prépas agro (devenues depuis BCPST) lors de mon année de terminale C au lycée de Montbrison dans la Loire. Je voulais faire des études de biologie et je suis donc entré au lycée du Parc à Lyon en septembre 1973. C’est là que j’ai appris l’existence des ENS, dont celle de Saint-Cloud qui était alimentée très régulièrement par des élèves du lycée. La conviction que c’était pour moi un avenir possible s’est forgée progressivement au cours de mes trois années de prépas.
Une fois les écrits passés en mai 1976 (année d’une célèbre sécheresse), il a fallu attendre les résultats pour aller passer les oraux. Le principal souvenir qui me reste est d’avoir subi des oraux difficiles à l’ENSET de Cachan avec deux examinateurs, alors que ceux de l’ENS de Saint-Cloud avec un seul examinateur étaient plus classiques. Ensuite, me trouvant sur la liste complémentaire, j’ai dû attendre le jeu des démissions et des appels téléphoniques sans bénéficier des facilités de l’internet d’aujourd’hui ; ce fut une période de stress qui s’est terminée par mon intégration en sciences de la vie à l’École en septembre 1976.
Un concours peut en cacher un autre
Je me suis retrouvé en septembre 1976 avec mes futurs camarades de promotion. Nous étions trois en biologie animale, trois en biologie végétale, trois en géologie et trois en biochimie. Sans compter les élèves des autres disciplines. En fait, la distinction qui est devenue très vite la plus forte a été, dans un premier temps, entre provinciaux et parisiens, les premiers étant contraints de loger sur place, les autres étant peu présents à Saint-Cloud. Dans un second temps, la distinction s’est établie entre ceux qui sont restés internes à la résidence Pozzo à Saint-Cloud et ceux qui logeaient à Paris.
Ma première surprise a été de comprendre que, devenant élève à l’École, nous devions suivre une maîtrise dans une université. Il n’y avait pas d’enseignement à l’École en dehors de la préparation à l’agrégation en troisième année. La préparation de la maîtrise s’est déroulée à Paris-VI sur le fameux campus de Jussieu où la question de l’amiante était naissante.
Ces années étaient caractérisées par des recrutements faibles dans les universités et une forte pression à l’agrégation ouvrant sur l’enseignement secondaire. Il faut aussi souligner que la courbe du nombre de places aux concours de recrutement de l’enseignement a connu son minimum en 1979. L’ambiance n’était donc pas euphorique : chacun savait qu’il devrait réussir un nouveau concours, pas des plus faciles, pour assurer son avenir. Rappelons aussi qu’à cette époque, la comparaison, pour des élèves de prépas, entre un avenir dans la fonction publique ou dans les entreprises était financièrement très en faveur du privé. Quelques trente-cinq ans plus tard, la comparaison est sans doute à nuancer, car l’allongement des carrières n’est pas neutre sur ce plan. Un fonctionnaire peut aujourd’hui prolonger sa carrière sans doute beaucoup plus facilement qu’un cadre d’entreprise.
La vie à l’internat près de Paris
La résidence Pozzo offrait un hébergement à deux élèves par chambre, et donc quatre élèves par bloc de deux chambres pour les premières années. Nous étions ensuite en chambre individuelle pour les deux années suivantes. Le fait d’étudier à Paris-VI imposait un rythme d’allers et retours quotidiens entre Saint-Cloud et la capitale via le train, le RER et le métro. Le petit-déjeuner était pris au restaurant de la résidence et l’on voyait chaque matin une partie des élèves descendre avec son paquet de cacao. La majorité des élèves se retrouvaient au dîner en fin de journée.
Foot en salle avec des camarades de la promotion 1976 dans le gymnase de l’ENS de Saint-Cloud. De gauche à droite, un camarade non-identifié, Patrick Pommier (biologie), Jean Lermé (physique), Philippe Barois (physique), Germain Boutillier, professeur, dit le Boot’s et Christian Verbrugghe (Biologie). Archives Pascal Faure.
Plusieurs soirs par semaine, il était possible d’aller faire du sport au gymnase un peu au-dessus de la résidence sous l’œil expert de notre professeur, Germain Boutillier, dit « le Boot ». Les deux activités qui m’ont occupé au moins deux soirées par semaine, au cours de ces années, étaient le basket et le foot en salle. J’ai participé à l’équipe de basket pendant trois ans. Le plus difficile était de pouvoir réunir suffisamment d’élèves pour faire un bon entraînement et participer à des compétitions universitaires pour lesquelles nous avions un niveau un peu juste. Mais l’important, c’était de participer ! Le tournoi de foot en salle attirait plus de monde. Il se jouait par équipe de trois ce qui permettait de multiplier les équipes et donc les matchs. L’ambiance était excellente et j’avoue que pour m’être associé les trois années à deux physiciens bien meilleurs techniciens que moi, j’ai eu le plaisir de remporter trois fois ce tournoi. Le savoir-faire du Boot, dans cette communauté d’étudiants très polarisés sur leurs études, était remarquable d’un point de vue relationnel et il faut lui en rendre hommage. J’ajoute que, chaque année, un élève de deuxième année était nommé secrétaire de l’association sportive, ce que je fus en 1977-1978. Enfin, chaque année, pour récompenser les meilleurs résultats sportifs et universitaires, étaient décernés un « clou d’or » pour un élève sorti de l’école et un « clou d’argent » pour un élève de troisième année. J’ai eu le plaisir de recevoir le clou d’argent 1979, qui se trouve toujours sur mon bureau en souvenir de cette époque.
Clou d’argent 1979. Photo Pascal Faure.
La principale différence entre la première et la deuxième année a été l’évolution des choix de logement des élèves. Une partie des élèves logés en première année à la résidence a choisi de se loger à Paris l’année suivante. Nous étions ainsi moins nombreux, mais plus soudés en euxième année, en particulier dans le groupe restreint de ceux qui restaient le week-end, sans restauration assurée par l’École. Une petite révolution a beaucoup influencé notre groupe lorsque j’ai investi dans une cocotte-minute pour améliorer les repas du week-end. Très vite, nous nous sommes organisés pour aller faire les courses à Vélizy 2, le samedi après-midi, avec la voiture de l’un d’entre nous, fan des Beatles. Chacun ayant plus ou moins une spécialité culinaire, nous avons passé des week-ends à cuisiner et partager des repas dans une ambiance très chaleureuse.
Je dois avouer que le travail demandé par les enseignements à l’université était très différent de celui des classes préparatoires. Nous avions une base de connaissances très solides nous autorisant une certaine liberté de temps de travail. Pour une partie d’entre nous, la découverte de la capitale était aussi l’occasion d’en exploiter les ressources culturelles. C’est ainsi que certains ont investi dans un costume trois pièces et un nœud papillon pour pouvoir assister à un prix très réduit aux soirées de gala de la Comédie-Française, au poulailler, avec des élèves d’autres grandes écoles. Trois années ont permis d’assister à trois programmes complets, un vrai bonheur.
Une spécificité des « naturalistes »
Il y avait des excursions et des stages organisés par l’École, parfois avec les Fontenaisiennes ou regroupant deux promotions. Nous avions aussi la possibilité de faire des stages d’été dans des stations biologiques : Roscoff, Arcachon, Besse-en-Chandesse, Bonnevaux… Autant d’occasions de mieux connaître le terrain et les classifications végétales et animales.
L’année de préparation à l’agrégation a été plus austère bien sûr. Le pavillon de Valois nous accueillait tous les jours avec son responsable, André Bellemère (48 S SC). C’est cette année-là que nous avons pu mesurer l’intérêt d’une préparation à l’agrégation qui mettait devant nous des enseignants de très grande qualité, pratiquement tous les auteurs des ouvrages de référence de l’époque : Brousse, Lehmann, Pomerol, Lamerre en géologie, Bournérias en botanique, Beaumont et Cassier en zoologie par exemple.
Le travail de reconnaissance sur les collections de l’École était constant. Un jeu consistait à lancer un échantillon de roche à un autre élève et il devait en donner le nom avant de l’attraper ! Une année éprouvante d’autant qu’elle s’est terminé sur un échec à l’agrégation pour la plupart des biologistes en cette année 1979.
La suite fut pour moi le départ pour Besançon, en quatrième année, afin de suivre un DEA qui m’a permis de devenir pour quelques mois un spécialiste du cerveau de l’escargot petit-gris, tout en faisant un break des concours. N’oublions pas non plus que nous étions d’une génération astreinte à un service militaire !
La vie après l’école dans l’Éducation nationale
Une première vie d’enseignant, pendant une dizaine d’années, en sciences de la vie et de la terre, après avoir réussi le CAPES, puis l’agrégation en 1984. Une première mutation en Lorraine dans un lycée pour découvrir le fonctionnement d’un établissement et le métier d’enseignant sous toutes ses facettes.
Une deuxième vie d’IPR-IA de biologie-géologie, pendant une dizaine d’années à Nancy. La découverte de l’observation des enseignants dans leur classe, la prise en compte d’un niveau de pilotage pédagogique et de l’influence des décisions politiques dans le temps. La bascule de l’influence de l’inspection générale au profit des recteurs, marquée par l’inversion de notre dénomination en IA-IPR. L’implication dans le fonctionnement d’un rectorat comme doyen puis directeur de la pédagogie.
Une troisième vie de transition, une autre dizaine d’années encore, entre un IA-IPR de SVT et un conseiller TICE. Mission naissante à constituer pour développer les usages pédagogiques du numérique, tout en réglant d’innombrables problèmes techniques, financiers et de partenariats.
Enfin, une quatrième vie de délégué académique au numérique éducatif auprès du recteur de Nancy avec l’objectif de faire utiliser les services et ressources numériques dans toutes les écoles, collèges et lycées d’une académie. Une tâche passionnante mais épuisante qui débouche sur une retraite bien méritée en 2018. Désormais, mes activités tournent autour de la pratique du saxophone ténor dans plusieurs harmonies locales et comme guide bénévole au musée des mines de fer de Neufchef, au bout de la vallée de la Fensch.
Pascal FAURE (1976 S SC), février 2020
La première version de ce témoignage a été publiée sans illustrations dans le Bulletin de l’Association des élèves et anciens élèves des ENS de Lyon, Fontenay, Saint-Cloud, n°1 (2015).
Diplôme signé par Francis Dubus et Germain Boutillier. Photo Pascal Faure.