Le développement du service des affaires culturelles
Diplômé en sciences politiques et en arts, responsable des affaires culturelles de l’ENS de Lyon et chargé de la mission Images, David Gauthier est aussi chercheur associé au Centre d’études et de recherches comparées sur la création (CERCC). A ce titre, il mène une réflexion sur les relations qu’entretiennent l’image et l’écriture. Il a aussi été commissaire de plusieurs expositions. Depuis 2014, il est vice-président de Art+Université+Culture, réseau national des affaires culturelles de l’enseignement supérieur (MESRI et MC), en charge des relations entre les écoles d’art et les établissements d’enseignement supérieur et de recherche. Il est également critique d’art et contribue à de nombreuses revues comme Tracés, lacritique.org, etc.
J’ai été recruté en 1999 sur un poste à profil ouvert par l’ENS de Fontenay-Saint-Cloud, pour créer ex nihilo un service des affaires culturelles (équipe, budget, programmation) et des équipements tels qu’un théâtre, en septembre 2000, à Lyon dans une architecture d’Henri[1] et Bruno Gaudin[2] et un jardin de Gilles Clément[3], le tout formant « un cloître républicain » selon les mots du directeur Sylvain Auroux (67 L SC). L’histoire de vingt ans du service des affaires culturelles commence sur le chantier du site Descartes de l’ENS LSH, inclut l’extension au site Monod de l’ENS de Lyon (uniquement sciences dites exactes en 2010) au moment de l’unification de l’École littéraire et de l’École scientifique et trace les perspectives actuelles.
En 2000, j’ai suivi le chantier des équipements culturels avec le cabinet d’architecture, réalisé une étude pour répertorier les besoins (la demande et l’offre) et participé au recrutement de l’équipe, composée d’un régisseur théâtre principal, Jean-Philippe Michaud, (possédant un CAP projectionniste films 35mn et 16mn, il a actualisé en permanence ses connaissances scéniques en suivant des formations à l’ENSATT, notamment), un régisseur assistant théâtre, un régisseur pour les expositions et les ateliers et une assistante gestionnaire. Je me souviens comme si c’était hier de l’exclamation de Georges Bohas, professeur d’études arabes, en septembre 2000 : « Entre un marteau-piqueur et un cours d’agrégation, le marteau-piqueur a toujours le dernier mot ! ». Le chantier n’était pas encore terminé : l’inauguration a été fixée au 11 décembre 2000. J’ai organisé avec le directeur de cabinet, Jacques Deschamps, l’implantation des œuvres du 1% artistique, Écritures d'arbres d’Alexandre Hollan, œuvres graphiques situées au premier étage de la bibliothèque et Sans titre d’Albert Ràfols-Casamada dans le Forum Félix Pécaut (voir le livret sur le patrimoine artistique de l’ENS de Lyon téléchargeable sur le site internet[4]). En quatre années, le service a pris forme. Des équipements culturels ont été créés : le théâtre Kantor d’une jauge de 147 places, adapté pour le spectacle vivant, les concerts et les projections, la galerie « La Librairie » (devenue en 2017, la galerie Artemisia[5], située dans un autre bâtiment du site Descartes), le salon de musique Dutilleux, les ateliers de pratiques artistiques (labo-photo argentique et numérique, atelier dessin, peinture, sculpture). La programmation a commencé à rencontrer ses acteurs et ses publics dans la communauté ENS LSH (étudiants, enseignants, chercheurs et personnels). Toutefois, les publics étaient aussi extérieurs à l’ENS LSH. L’implantation de l’ENS LSH à Lyon financée à 80% par les collectivités territoriales imposait d’ouvrir cet établissement aussi aux habitants de la métropole. Cette volonté politique se traduisait notamment par la création d’un service des affaires culturelles pour tous.
Avec l’application du plan Tasca-Lang, l’éducation artistique et culturelle de la maternelle à l’enseignement supérieur a concerné également les classes préparatoires littéraires. Cela a favorisé, entre autres raisons, l’ouverture d’épreuves artistiques au concours d’entrée (musique, études théâtrales et cinématographiques, histoire des arts) ainsi que la création d’enseignements artistiques notamment dans le cadre de la création de mentions de masters (spécialité études théâtrales, etc.). A partir de 2004, j’ai participé avec la direction des études et les enseignants des disciplines artistiques à la mise en œuvre de ces nouveaux cursus et de la préparation à l’agrégation de musique.
D’autre part, le Centre d’Études Poétiques (CEP), puis son successeur, le CERCC m’ont sollicité comme chercheur associé pour assurer des cours sur les relations entre écriture et photographie, la médiation artistique et l’art contemporain. Depuis 2012, je codirige avec Stéphanie Fragnon (ENS Cachan, 2000, Lycée Lamartinière, design) l’unité d’enseignement professionnalisante Art 3306 « Pratiques curatoriales[6] » en partenariat avec l’Institut d’art contemporain (Villeurbanne). Cette UE est proposée par le département Lettres et arts dont le directeur-adjoint pour les disciplines artistiques est Olivier Neveux[7]. Veiller à ce que le rapprochement entre le milieu artistique et celui de l’enseignement supérieur, la recherche et son administration s’opère, en tenant compte de leurs spécificités et « habitus » particuliers, a constitué une gageure prioritaire. J’ai opté pour une approche transversale des arts et de la culture s’intégrant dans l’esprit de la nouvelle école à vocation pluridisciplinaire, née en 2011 avec le rapprochement des deux ENS et donc des sites Monod et Descartes.
Dès 2005, j’ai initié avec le directeur de la recherche, Jean-Claude Zancarini (67 L SC) et le directeur du CEP, le poète Jean-Marie Gleize (67 L SC), le premier parcours formation recherche « Littérature et photographie » entre l’ENS et l’École nationale supérieure de la photographie (ENSP, Arles) avec le soutien précieux de leurs directeurs respectifs d’alors, Sylvain Auroux (67 L SC) et Patrick Talbot (66 L SC). Ce parcours individualisé entre des étudiants de deux écoles aux modes de formation et d’approches différents est pionnier dans sa pédagogie et ses méthodes de recherche axées sur la création critique hybride. Labellisé « bonne pratique » par les deux ministères de tutelle, il est le plus ancien et fait florès depuis : plusieurs écoles d’art et établissements d’enseignement supérieur suivent cette référence reconnue. L’anniversaire des dix ans avait investi la totalité du nouveau Fonds national d’art contemporain Provence-Alpes-Côte d’Azur à Marseille en 2015[8]. L’année 2020 célèbre les quinze ans d’existence de ce parcours Recherche-Création. Les étudiants des deux écoles ont réalisé une publication et une création sonore issues du confinement et du post-confinement avec des ateliers à distance et en questionnant ce que peut être une « image provocante » pour eux. Leur point de départ est un groupe de sculptures en terre cuite du XVe siècle, Il Compianto sul Cristo morto, de Niccolò dell Arca, qu’ils avaient vu dans l’église Santa Maria della Vita à Bologne et qu’ils ont retrouvé dans la planche 42 de l’Atlas Mnémosyne d’Aby Warburg en illustration du pathos formel.
Lors du rapprochement des établissements en une seule École pluridisciplinaire, les missions du service des affaires culturelles avaient été étendues à de nouvelles disciplines mais aussi à de nouveaux lieux, les bibliothèques et l’Institut français de l’éducation (Ifé). La réorganisation structurelle a impacté aussi le service et son équipe, laquelle fonctionne désormais essentiellement en mode projet et avec l’ensemble des services administratifs. Dès 2008, j’avais anticipé le rapprochement et proposé après étude, la création d’une galerie « La verrière » sur le site Monod. L’ouverture aux publics sur ce site reste, toutefois, délicate.
Ainsi, le périmètre d’action a considérablement grandi à partir de 2011, et l’offre a dû répondre à une demande accrue. L’expertise concerne désormais aussi bien les projets de culture scientifique (projets art & science) que ceux de culture artistique (Journées nationales des arts et de la culture dans l’enseignement supérieur[9], Rendez-vous aux jardins...). Je m’efforce d’initier et de favoriser la rencontre entre des chercheurs et des artistes. Par exemple, les expositions « Fytolit Skholè[10] » et « La Mêlée[11] » ont été conçues avec des chercheurs des sites Monod (sciences dites exactes) et Descartes (lettres et sciences humaines) en 2017 et 2019. L’ingénierie culturelle représente environ 200 manifestations ouvertes à tous, six ateliers de pratiques artistiques (dessins, photographie argentique et numérique, sculpture, peinture, théâtre) ouverts à la communauté ENS (étudiants et personnels). Quatorze partenariats conventionnés structurels existent désormais avec le Théâtre national populaire (TNP), les Célestins, la Comédie de Saint-Étienne, le musée des Beaux-Arts, le musée d’art contemporain (MAC[12]), le musée des Confluences, l’Institut d’art contemporain, le Centre international de la poésie de Marseille (CIPM), l’Institut Mémoire des éditions contemporaines (IMEC), le Conservatoire national supérieur de musique et de danse (CNSMD), l’École nationale supérieure des arts et techniques du théâtre (ENSATT), l’École nationale supérieure d’architecture de Saint-Étienne (ENSASE[13]), l’École nationale supérieure de la photographie (ENSP[14]), La Manufacture à Lausanne et cinquante partenariats conventionnés sur projets (Nuits de Fourvière, Biennale d’art contemporain, Biennale de la danse, Biennale Musique en scène, etc.).
S’efforcer que toutes les composantes artistiques et culturelles de cette école pluridisciplinaire (Sciences et SHS), prennent corps dans la formation et la recherche, et existent pleinement pour appréhender les changements et les enjeux de l’enseignement supérieur étaient primordiaux lors de la préfiguration du rapprochement des deux sites. En participant au comité scientifique du séminaire Recherche-Création organisé par la Biennale de Lyon[15] et l’Université de Lyon le 8 octobre 2019, j’ai codirigé, avec Éric Dayre (83 L SC), directeur du CERCC, la publication collective regroupant 33 contributeurs, L’Art de chercher. L’enseignement supérieur face à la recherche-création[16] (Hermann, 416 p., 2020). Elle est présentée à la Fête de la Science 2020. La Recherche-Création constitue un formidable enjeu pour les arts et la culture dans les établissements d’enseignement supérieur et de recherche. L’ENS de Lyon est une pionnière dans ce domaine, en plein essor, c’est pourquoi l’avenir de mes missions sera de développer de plus en plus ce nouveau chantier, à l’instar de l’ENS Cachan, laquelle en a fait une priorité lors de sa délocalisation sur le plateau de Saclay en 2020.
David GAUTHIER[17]
Montage par les étudiants de l’exposition inaugurale de la galerie Artemisia, « En toute obscénité » (1er juin-13 juillet 2017) dans le cadre de l’unité d’enseignement Art 3306 « Pratiques curatoriales », ENS de Lyon et Institut d’art contemporain de Villeurbanne. Crédit David Gauthier.
http://i-ac.eu/fr/expositions/29_en-enseignement/2017/421_EN-TOUTE-OBSCENITE
Détail de la peinture murale d’Albert Ràfols-Casamada, en cours de montage. Forum Félix Pécaut.
Speedy Graphito, Dead or Alive, 2012, 280x260 cm, œuvre réalisée dans le cadre du Festival « Dérapage » organisé par les associations étudiantes de l’ENS Champ libre, EnPlastik et TrENSistor. Don de l’artiste.
Affiche « Les mots de l’image », Bernard Plossu et Jean-Louis Fabiani, galerie « La Librairie ». Exposition du 16 janvier au 18 avril 2014, réalisée dans le cadre du parcours Formation Recherche « Écriture et photographie », (ENSP, Arles et ENS de Lyon). Crédit David Gauthier. https://rumor.hypotheses.org/3427
Inauguration de l’exposition « Histoires parallèles » célébrant en 2015 les 10 ans du Parcours Formation Recherche « Écriture et photographie » (ENSP, Arles et ENS de Lyon) au Fonds régional d’art contemporain Provence-Alpes-Côte d'Azur (FRAC PACA). De gauche à droite : David Gauthier, Paul Pouvreau (artiste et enseignant à l'ENSP), deux membres de l'équipe du Parcours Formation Recherche ENSP/ENS) et Vincent Zonca (2008 L SH) qui avait suivi le Parcours. Crédit David Gauthier.
Indications bibliographiques
« L’éducation artistique et culturelle de la maternelle à l’université », circulaire n° 98-153 du 22-7-1998 (MEN - DESCO A9 - MCC), Bulletin officiel de l’Éducation nationale n° 31, 30 juillet 1998.
Convention cadre « Université, lieu de Culture, 12 juillet 2013 : https://www.enseignementsup-recherche.gouv.fr/cid73014/signature-de-la-convention-cadre-universite-lieu-de-culture.html
CVEC (part Culture) : Décret n° 2019-205 du 19 mars 2019 relatif aux modalités de programmation et de suivi des actions financées par la contribution de vie étudiante et de campus prévue à l'article L. 841-5 du code de l'éducation.
Nouveaux cahiers d’A+U+C : n°5 (2019) : La présence des artistes dans l’enseignement supérieur ; n°4 (2017) : Culture scientifique et technique ; n°3 (2014) : l’objet filmique dans l’enseignement supérieur ; n°2 (2012) : 1 % artistique dans l’enseignement supérieur ; n°1 (2010) : Politiques culturelles : universités et collectivités territoriales.
Rigaud Jacques, La Culture pour vivre, Paris, Gallimard, 1975.
Danielle Moger et Thierry Dufrêne (77 L SC) (dir.), Art, architecture, université – Le 1% culturel à travers les constructions universitaires, Actes des journées d’étude nationales, Grenoble, 16 et 17 juin 1994, textes réunis par Fabienne Chancrin, Dijon, Presses du Réel, 1995.
Culture & Université – Le partenariat entre institutions culturelles et universités. Délégation au développement et aux formations, ministère de la Culture, Dijon, Presses du Réel, 1997.
Janine Chêne (coord.), La mission culturelle de l’Université au XXIe siècle, actes de la journée nationale Art +Université +Culture, Grenoble, éditions A+U+C, 2003.
Janine Chêne (coord.), Penser(z) les politiques culturelles universitaires, Journées nationales 13 et 14 janvier 2005, INSA de Lyon, 2006. Dijon, Presses du Réel, 2005.
Emmanuel Éthis (dir.), De la culture à l’Université : 128 propositions, Armand Colin, 2011.
Paul Arnould (65 L SC), David Gauthier, Yves-François Le Lay, Michel Salmeron, préf. Gilles Clément et Olivier Faron (80 L SC), Le Juste Jardin, ENS Éditions, 2012.
Jean-Louis Fabiani, Bernard Plossu, préf. David Gauthier, Les mots de l’image, Yellow now/ ENS de Lyon, 2014.
Wesley Meuris : The Public Art Center, préf. de Pierre Bazantay. Textes de Thierry Dufrêne, Jérôme Poggi, Dominique Poulot, Ida Soulard, Paris, SOCIETIES (diff. Les Presses du réel), 2018. 206 p.
https://www.auc-asso.com/nouveaux-commanditaires.
Éric Dayre (83 L SC) et David Gauthier David (dir.), L’art de chercher. L’enseignement supérieur face à la recherche-création, Paris, Hermann, 2020.
[1] https://www.persee.fr/doc/item_1167-5101_2000_num_14_1_1148 -
entretien avec Henri Gaudin https://www.trensistor.fr/2012/01/les-entretiens-n4/
[3] http://jardin.ens-lyon.fr/ - Le Juste Jardin, Paul Arnould, David Gauthier, Yves-François Le Lay, Michel Salmeron, Préface de Gilles Clément, Olivier Faron, ENS Éditions, 2012. http://catalogue-editions.ens-lyon.fr/fr/livre/?GCOI=29021100623500 - entretien en 2 parties avec Gilles Clément. https://www.trensistor.fr/2018/06/sciences-vagabondes-n2/
[4] http://www.ens-lyon.fr/campus/culture/patrimoine-artistique
L’œuvre The Public Art Center [2013-2018] résulte d’une commande et propose une institution muséale fictionnelle qui rassemble et archive les œuvres présentes sur les campus français ; elle fait « entrer non pas l'art à l'université mais bien l'université au musée ». L’ENS de Lyon fait partie des 15 établissements commanditaires au côté de 43 établissements participants. Une affiche originale encadrée a été offerte à chaque établissement commanditaire de cette œuvre. L’ENS de Lyon l’a installée dans la salle des conseils du site Descartes avec l’ouvrage en consultation.
[5] La galerie « La librairie » était située dans le Forum Félix Pécaut, à l’emplacement de l’extension du PC Sécurité. Programmation de la Galerie Artemisia : http://www.ens-lyon.fr/campus/culture/lieux/galerie-artemisia
[6] « Mettre en jeu » exposition de l’UE « Pratiques curatoriales », 2020, ENS et IAC.
http://i-ac.eu/fr/expositions/29_en-enseignement/2020/566_METTRE-EN-JEU
[8] « Histoires parallèles, dix ans du Parcours Formation Recherche ENSP/ENS », FRAC PACA, 2015.
http://www.ens-lyon.fr/savoirs/ressources/histoires-paralleles
[9] http://www.ens-lyon.fr/savoirs/culture-sciences-et-societe/grands-evenements/journees-des-arts-et-de-la-culture-dans
[10]http://www.ens-lyon.fr/en/event/campus-life/fytolit-skhole, TK-21 LaRevue, n°76 https://www.tk-21.com/FYTOLIT-SKHOLE
[11] http://www.ens-lyon.fr/evenement/savoirs/la-melee-resonance-de-la-biennale-dart-contemporain
https://www.franceculture.fr/emissions/les-carnets-de-la-creation/tiphaine-calmettes-sexpose-a-lyon
[13] http://www.ens-lyon.fr/evenement/savoirs/parcours-formation-recherche-ecriture-et-architecture-2018-refuge-decriture
[14] http://www.ens-lyon.fr/indexation/structures-affiliees-lens-et-partenaires/ecole-nationale-superieure-de-la-photographie
[16] « L’art de chercher. L’enseignement supérieur face à la recherche-création », ouvrage collectif sous la direction d’Éric Dayre et David Gauthier, Paris, Hermann éditions, septembre 2020.
[17] http://cercc.ens-lyon.fr/spip.php?article603
Pour citer ce texte : David GAUTHIER, Le développement du service des affaires culturelles, Bulletin de l’association des élèves et anciens élèves des ENS de Lyon, Fontenay, Saint-Cloud, n°2, 2020, p. 50-51. |