L’année de la préparation à l’agrégation d’histoire. 

Raymond Huard est né le 15 juin 1933 à Versailles (Seine-et-Oise). Élève à l’ENS de Saint-Cloud (1953-1956) et agrégé d’histoire (1956), il a été professeur au lycée de Nîmes (1957-1964), assistant au Collège universitaire de Perpignan (1964-1966), assistant, puis maître-assistant à l’université Paul Valéry de Montpellier (1966-1982), docteur d’État (1977), professeur d’université (1982-1993). Il vit à Nîmes. Ses travaux portent sur plusieurs domaines, l’histoire du mouvement républicain en particulier dans le Midi languedocien, à laquelle il a consacré sa thèse d’État, l’histoire de Nîmes, du Gard et, le cas échéant, du Languedoc, tant au XIXe qu’au XXe siècle, la vie politique en France au XIXe siècle, particulièrement sous deux aspects, l’histoire du suffrage universel et la naissance des partis politiques, l’histoire de la pensée politique (républicanisme, socialisme (Jaurès), marxisme). Il a participé à de très nombreux ouvrages collectifs et collaboré à diverses revues scientifiques et sociétés savantes nationales ou locales comme la Société d’histoire de la révolution de 1848 dont il a été un des refondateurs en 1981. Plus récemment il s’est attaché à faire redécouvrir par une biographie des personnalités méconnues du Languedoc, la romancière Jeanne Galzy (ENS-PSL 1907 L), le peintre et écrivain Eloy-Vincent, le romancier juif nîmois David Gomès. Une quarantaine de publications est disponible en ligne sur Persée (https://www.persee.fr/authority/254482), d’autres sur Cairn. Voir son importante œuvre sur IdRef : https://www.idref.fr/026926237 

Tenter de rédiger des souvenirs de mon passage à l’ENS de Saint-Cloud est difficile car j’ai bien conscience qu’à mon âge (quatre-vingt-dix ans depuis quelques mois), le temps a fait un tri dans mes souvenirs qui apparaîtront peut-être trop discontinus.

Le concours

Commençons donc par l’entrée à l’École. C’est en 1953 que j’intégrai à l’ENS de Saint-Cloud après un premier échec en 1952. J’étais alors élève au lycée Henri IV et candidat dans la spécialité lettres classiques. Au concours, à l’écrit, nous avions cinq épreuves, une dissertation de français, une autre de philosophie, une dissertation d’histoire, une version (pour moi, anglaise) et l’épreuve de spécialité, une version latine. Je ne me souviens vraiment bien que de l’épreuve de philosophie qui avait pour sujet : « Le souci de sincérité est-il une vertu morale ?». Il se trouve que par chance j’avais traité un sujet un peu voisin en première année de préparation à Saint-Cloud et parcouru à cette occasion l’essai du philosophe Yvon Belaval paru en 1944, Le souci de sincérité (Gallimard). Je fus donc assez à l’aise. L’épreuve de philosophie était assez redoutable car son correcteur, le professeur Thermos, était très sévère et mettait une note au-dessous de la moyenne à la plupart des copies. Dans le rapport final, il déclara qu’il n’y avait eu dans cette épreuve que deux copies « honorables » auxquelles il avait mis respectivement 15 et 14. C’étaient celles de Jacques Lagrange, candidat en section philosophie et de moi-même. Ces notes constituèrent pour nous deux un avantage considérable pour accéder à l’admissibilité. L’oral pour moi fut assez pénible. En effet je l’abordai en mauvaise forme physique, sortant à peine d’une petite crise d’appendicite, et, en outre, pour passer les épreuves, je devais accomplir un long trajet, de Sevran dans la banlieue Nord-Est jusqu’à Saint-Cloud. L’oral comprenait trois épreuves, une de français, une de géographie et une de spécialité (pour moi, latin ou grec). En français, je tombai sur la scène de « l’aveu » dans La Princesse de Clèves. J’étais très ému et ma lecture du texte plut au jury. En géographie, j’eus à traiter du climat méditerranéen. Ce n’était pas très difficile bien que je ne fusse jamais allé dans le Midi, mais néanmoins les examinateurs me firent souffrir sur l’explication du mistral. L’épreuve de spécialité (ce fut pour moi le grec) me parut assez facile. Au bout du compte, je me retrouvai second de ce concours (place que je n’aurais jamais imaginé atteindre) derrière Michel Vovelle, avec qui j’avais préparé le concours au lycée Henri IV.

L’entrée à l’École

Les élus se retrouvèrent donc à l’École en octobre. Nous fûmes réunis par le secrétaire général Henri Canac (1921 L SC) qui nous exposa les règles de fonctionnement. Les élèves de première année en Lettres étaient logés dans un petit immeuble situé en bas de Saint-Cloud rue Gaston Latouche. Ce dernier bâtiment mal entretenu, vétuste, était assez lamentable. L’équipement sanitaire était plus que modeste : un lavabo collectif et de l’eau froide. Le mobilier également était basique. L’immeuble comprenait deux étages. Au premier était logé le directeur de cette maison avec sa famille. C’était alors Gaston Mialaret (1946 I SC), âgé de trente-cinq ans, et nous ne pouvions savoir à l’époque qu’il allait bientôt devenir un grand spécialiste de la pédagogie. Sa discrétion d’ailleurs était telle qu’il me semble ne l’avoir vu qu’une seule fois pendant toute l’année. Le second étage était occupé par trois chambres de dimension inégale, une pour une seule personne occupée par le cacique Michel Vovelle, une pour deux personnes où je fus logé en même temps que le philosophe Jacques Lagrange avec qui je sympathisai et qui resta mon cothurne pendant tout mon séjour à l’École. Enfin, une chambre plus vaste qui abrita les autres historiens et les géographes. La maison avait aussi un petit jardin que nous n’utilisâmes guère.
Mais pour suivre les cours, il fallait aller au « pavillon de Valois » à l’entrée du parc de Saint- Cloud où se trouvaient la direction de l’École, les salles de cours et aussi un laboratoire audiovisuel. Quant au réfectoire, il était situé un peu plus haut dans Saint-Cloud, avenue Pozzo di Borgo, dans une ancienne clinique qui abritait aussi l’intendance, d’autres chambres pour les élèves et des salles pour les activités sociales et aussi sportives (tennis de table). Ces déplacements n’étaient pas forcément mauvais pour notre santé.

Les activités à l’École

La promotion d’historiens et géographes venait évidemment de préparations différentes, essentiellement Henri IV et Chaptal, pour Paris, mais aussi Montpellier et Saint-Étienne. Mais la fusion se fit très facilement et même joyeusement en particulier grâce aux géographes qui formaient une équipe particulièrement dynamique avec Paul Chatelain dont le langage était truculent, Michel Coquery, fin, distingué et au tempérament artiste, Armand Frémont, qui venait de l’Ouest (son père travaillait sur le paquebot France), Pierre Carrière qui apportait une note rurale et méridionale. Les historiens formaient moins corps. Je parle désormais de moi comme historien car en entrant à l’École, j’avais choisi de ne pas conserver l’option lettres classiques et de m’inscrire en histoire. J’aurais beaucoup aimé être professeur de français, mais la perspective d’enseigner le latin et le grec à partir d’à peu près les mêmes textes pendant de longues années ne me séduisait guère. Ce changement d’orientation ne posa aucun problème car l’École était très libérale à cet égard, mais j’ai eu rétrospectivement le sentiment de m’être mal conduit envers Max Hugueny (ENS-PSL 1928 l), le professeur de latin-grec qui m’avait interrogé à l’oral, et m’avait mis une bonne note. Les historiens de la promotion étaient un peu plus individualistes que les géographes. Michel Vovelle, grand travailleur, se repliait volontiers dans sa chambre, Michel Chanal, amical, mais discret, était très réservé. Nous voyions très peu Jean-Claude Carrière qui était marié et donc externe, et commençait déjà une carrière littéraire. Jean Boissière, méridional, était certainement le plus extraverti, mais tendait à faire corps avec les géographes. Jacques Lagrange, mon cothurne, était un esprit brillant, joyeux, au caractère assez fantaisiste, et il profitait largement des possibilités qu’offrait la vie parisienne. Quant à moi, étant banlieusard, c’est-à-dire tout de même un peu parisien, j’avais une moins grande attraction pour la vie de la capitale que je connaissais un peu déjà et, d’autre part, je tenais à retrouver ma famille pendant les week-ends. En outre, ayant déjà obtenu l’écrit du certificat de licence de géographie en octobre 1953, je m’étais proposé un programme de travail assez ambitieux qui était d’obtenir les quatre certificats de licence la première année. Outre les cours de Sorbonne que je suivais surtout en histoire ancienne, en Moyen Age et en géographie, nous avions à l’École en histoire contemporaine les cours d’Émile Tersen, que j’avais eu déjà comme professeur à Louis-le-Grand en hypokhâgne et qui était un merveilleux professeur associant une compétence exceptionnelle à un esprit humoristique, ceux de Pierre Riché jeune assistant encore, en Moyen Age, et ceux assez brillants de Pierre Quoniam en histoire ancienne. A la Sorbonne, si j’aimais beaucoup les cours d’André Aymard en histoire grecque, grand savant qui savait rester très pédagogue et aussi, bien que moins passionnants, ceux d’Édouard Perroy en Moyen Age, les autres professeurs Charles-Edmond Perrin (ENS-PSL 1908 l) en Moyen Age, Pierrre Demargne (ENS-PSL 1922 l) sur l’Égypte, Rodolphe Guilland sur Byzance étaient certes très compétents, mais fort ennuyeux. Avec la Sorbonne, nous participâmes à des excursions historiques, en histoire du Moyen Age, en Alsace et en histoire ancienne, dans la région d’Autun. Professeur de géographie physique à l’École, Pierre Birot nous emmena dans le Bassin de Brive et dans les Corbières.

 La vie à l’École même était assez animée. La situation internationale était dominée par la guerre d’Indochine et aussi par la perspective du réarmement de l’Allemagne. Si la majorité des étudiants n’affichait pas d’opinion particulière, trois familles de pensée, catholique, socialiste et communiste, étaient présentes avec des groupes plus ou moins importants. Les organisations syndicales notamment le SNES (FEN) recrutaient et j’adhérai au SNES. Les étudiants des ENS menèrent une grande campagne revendicative pour être titularisés (ce qui était avantageux sur le plan financier) et l’obtinrent. Il existait à l’École un groupe du Mouvement de la paix, qui militait en relation avec celui de la ville. C’est avec ce mouvement surtout que je m’impliquai d’abord. Je me souviens d’un meeting contre l’arme atomique organisé à Saint-Cloud, d’une réunion dans l’École même avec un représentant du mouvement national vietnamien et, plus extraordinaire, de la préparation avec les autres ENS d’une délégation d’élèves à Genève, à l’occasion des négociations qui se tinrent en 1954 pour aboutir à un accord de paix. Un Cloutier représenta l’École, Michel Wullschleger, historien de 2e année. Une photo avec un représentant vietnamien en témoigne.


Au 1er rang, de gauche à droite, le 2e est Michel Wullschleger (1952 L SC), la 3e est une élève de l’ENS de Sèvres, le 4e est un élève de l’ENSEP (ENS d’éducation physique disparue en 1975 par fusion dans l’INSEP). Au 2e rang, de gauche à droite, le 2e est le représentant vietnamien, le 5e est un élève de l’ENS de la rue d’Ulm. Au dos de la photo, avant de signer, le représentant vietnamien a écrit « Genève le 7-6-54 Au mouvement de la paix de l’École normale supérieure de Saint-Cloud. Vive la paix, Vive l’amitié entre nos deux peuples ». Les autres personnes font partie d’une autre délégation.

Les Cloutiers n’étaient pas très sportifs et seul, un petit groupe de plusieurs géographes et deux historiens, Michel Chanal et moi-même, répondirent à la sollicitation du professeur de gymnastique Germain Bouthillier qui réussit ainsi à former une équipe de volley-ball dont les performances en compétition furent assez piètres. Je lui dois cependant toute ma gratitude, car à la fin de l’année, il me proposa d’aller participer en septembre au stage d’éducation physique réservé aux élèves des ENS (Ulm, Sèvres, Fontenay, Saint-Cloud et Cachan) qui se déroulait au CREPS (Centre régional d’éducation physique et sportive) de Montpellier. C’était mon premier voyage dans le Midi et dans cette belle région. Le stage était à la fois sportif avec une introduction à diverses disciplines sportives, et culturel, grâce à des visites dans la région. L’atmosphère était très gaie, et surtout, c’est là que je fis la connaissance de celle qui devait devenir mon épouse, Marthe Chanson, fontenaysienne, physicienne qui terminait sa troisième année d’École. Plusieurs des participant(e)s à ce stage restèrent durablement nos ami(e)s.

La deuxième année et la suivante, nous fûmes transférés au Pavillon de Valois. Le local était beaucoup plus agréable que Gaston Latouche. Les chambres donnaient sur le parc, l’équipement des locaux était un peu meilleur, mais nous n’avions quand même droit qu’à une séance de douches par semaine. Les cours se déroulaient sur place. Mais il fallait toujours aller rue Pozzo di Borgo pour les repas. C’était très agréable de pouvoir faire une promenade dans le parc après des heures de travail. Ayant obtenu mes certificats de licence, je devais faire un mémoire pour obtenir le diplôme d’études supérieures. Le sujet me fut proposé par Charles-André Julien, professeur d’histoire de la colonisation, car, par prudence, j’avais aussi préparé ce certificat qui n’était pas difficile à obtenir. Le sujet du mémoire n’était pas très intéressant : « La Presse anglaise devant le Coup d’Agadir en 1911 ». Mon mémoire ne devait pas fournir un grand apport à la science historique, mais, à l’époque, je ne pensais pas du tout à devenir un jour chercheur en histoire et mon but était surtout d’obtenir le diplôme. Je ne regrette pas du tout cette expérience car elle me fut très utile plus tard en m’obligeant à lire des centaines de pages d’anglais, ce qui me permit de lire désormais cette langue couramment (mais pas toutefois de la parler aussi bien !). En même temps, je profitai de cette année moins chargée pour commencer à préparer les questions d’agrégation soit qui étaient toujours au programme comme la géographie de la France, soit qui le resteraient l’année suivante (la France de 1815 à 1848) où j’eus à nouveau le plaisir d’entendre les cours d’Émile Tersen, spécialiste de cette époque. Si je dois revendiquer en outre une originalité, c’est d’avoir été un des très rares étudiants à avoir fréquenté la bibliothèque de l’École. Elle était dirigée par un agrégé d’italien et chercheur, Gilbert Moget (1946 L SC), avec qui je nouai un lien d’amitié qui subsista un peu après l’École. Cette année-là, j’avais un peu plus de temps pour des activités militantes. Au début de l’année scolaire 1954-1955, j’adhérai au Parti communiste et fis donc partie de la cellule de l’École dont le secrétaire était un physicien, Claude Gobeaux (promotion 1950). Les discussions étaient animées. Je me souviens en particulier de celle concernant la Yougoslavie qui proposait une autre voie vers le socialisme, et, plus tard, de notre critique du vote des pouvoirs spéciaux par les députés PC à Guy Mollet en mars 1956. En deuxième année également, à l’initiative de Michel Apel-Muller, spécialiste de lettres modernes, entré à l’École en 1954, une association culturelle fut créée qui invita divers auteurs ou écrivains. Les réunions se tenaient dans une salle municipale. C’est ainsi que nous entendîmes Jean-Pierre Vernant, historien et anthropologue, Pierre Albouy, spécialiste de Victor Hugo, Vercors, qui ne nous fit d’ailleurs pas une très grande impression, le poète cubain Nicolás Guillén alors en exil, de jeunes poètes français. D’autres conférences étaient plus politiques, sans doute à d’autres initiatives comme celle de Jean-Marie Domenach de la revue Esprit qui nous alerta sur la situation d’alors en Algérie, de Laurent Casanova, du PC, à propos du réarmement allemand. Cette année-là, je pouvais retrouver assez fréquemment à Paris ma fiancée qui, à Fontenay, préparait l’agrégation de physique à laquelle elle fut reçue en 1955. Grâce à André Aymard, sous la direction duquel j’avais fait mon mémoire secondaire du DES et dont j’avais suivi les cours à l’École pratique des hautes études, j’obtins à la fin de l’année une bourse pour assister à l’École antique de Nîmes qui tenait sa session en septembre. Ce fut mon second voyage dans le Midi et mon premier contact avec Nîmes.

La préparation à l’agrégation

L’année de la préparation à l’agrégation (1955-1956) fut essentiellement consacrée au travail (voir la carte d’étudiant ci-dessus). Reçue à l’agrégation, ma fiancée avait été nommée à Nîmes et nous fûmes donc séparés, sauf pendant les vacances, toute l’année suivante. En histoire, la grande nouveauté fut la mise au programme d’une question sur l’histoire des sciences aux XVIIe et XVIIIe siècles sous l’influence de Fernand Braudel. Je m’intéressai particulièrement à cette question, non seulement à cause de son intérêt propre, mais aussi parce que ma fiancée était physicienne. Pour beaucoup d’étudiants cependant, cette question, un peu exotique, n’avait aucune chance de tomber. Pour la traiter, l’École fit venir René Taton (1935 S SC), le spécialiste le plus connu alors. C’était un professeur très pédagogue, et aussi très drôle, aimant plaisanter. Nous avions aussi au programme en histoire ancienne une question sur la terre et la paysannerie dans le monde romain qui fut très bien traitée par un professeur de Grenoble, Paul Petit, invité à l’École. En histoire contemporaine, la question portait sur la Russie et l’URSS, et Émile Tersen fut mis de nouveau à contribution, mais j’allais aussi écouter à la Sorbonne les cours d’André Portal, spécialiste du monde slave. Au concours cependant, les questions posées déjouèrent tous les pronostics. En histoire ancienne, ce fut une question d’histoire religieuse du monde romain que peu de candidats attendaient et, en histoire contemporaine, la question d’histoire des sciences, encore moins prévue. Mes résultats à l’écrit furent inégaux et en particulier très mauvais en histoire ancienne. Heureusement la question d’histoire des sciences me sauva car j’obtins une bonne note qui me permit d’accéder d’extrême justesse à l’admissibilité. Je partageais cette place, a priori peu favorable, de dernier à l’écrit avec un étudiant originaire de Haute-Volta, Joseph Ki-Zerbo, qui avait été mon voisin pendant les épreuves écrites à cause de la proximité entre l’initiale de nos deux noms. Mais finalement nous fûmes tous deux reçus et Joseph Ki-Zerbo fit ensuite une brillante carrière scientifique - il fut un des pionniers de l’histoire africaine - et politique dans son pays, le Burkina Faso devenu indépendant[1]. J’avais donc obtenu le titre convoité d’agrégé (à la 21e place).

Je n’avais passé que trois ans d’École, ils avaient été intéressants, très formateurs et heureux. Je la quittai cependant sans regret parce que j’avais hâte d’être autonome, de gagner réellement ma vie, de ne plus passer d’examens ni de concours et aussi de fonder une famille. Peut-être aussi l’École représentait-elle pour moi, qui étais un peu parisien, un changement d’atmosphère moins remarquable que pour des provinciaux. En outre, déjà très satisfait d’être agrégé, je ne considérais pas mon passage à l’École comme une sorte de tremplin vers l’enseignement supérieur. Rétrospectivement, je me dis cependant que j’aurais pu profiter encore plus de l’École et que je n’ai pas été assez curieux. Par exemple, je n’ai jamais visité Saint-Cloud (parc excepté) pendant tout mon séjour, ni non plus les environs. A l’École même, il y avait déjà un secteur audiovisuel qui était une innovation et je ne m’y suis pas intéressé et, à la différence d’autres élèves, trop absorbé par le travail, je ne suis même pas allé regarder la télévision que ce service mettait à notre disposition le soir. J’étais sans doute victime de ma formation trop classique de littéraire. Mais je crois au total avoir rempli correctement mon contrat tacite avec l’École et dans une lettre très gentille après mon succès à l’agrégation, le secrétaire général Henri Canac m’en donna acte.

Raymond Huard (1953 L SC), professeur des universités émérite,
université Paul-Valéry, Montpellier 3, 13 janvier 2024

Sur la suite du parcours de Raymond Huard au lycée puis à l’université à partir de 1964, voir la notice du Dictionnaire Maitron https://maitron.fr/spip.php?article75928 

Une journée d’études en son hommage a eu lieu en septembre 2023 : 
https://www.commune1871.org/component/icagenda/439-nimes-30-colloque-en-hommage-raymond-huard/2023-09-23-10-00 

[1] Joseph Ki-Zerbo est décédé en 2006, Voir Esprit, août-septembre 2007, p. 83-108. En ligne (CAIRN) : DOI : 10.3917/espri.0708.0083