Témoignage de Paul Dupraz
Promotion 1948, Lettres, Saint-Cloud
Je suis né le 28 juillet 1928. J’ai été reçu au concours d’entrée à l’École normale de Savoie sise à Albertville mais elle fut fermée pendant la guerre et j’ai suivi les cours en section moderne au Lycée de Chambéry en classes de Seconde et de Première. L’École normale de Savoie ayant rouvert, j’ai préparé le baccalauréat Philosophie-Sciences à Albertville. Ma mention « Bien » à la première partie du baccalauréat m’a permis d’entrer en préparation au concours d’entrée à l’École normale supérieure de Saint-Cloud au Lycée Claude Fauriel à Saint-Etienne où j’ai eu deux excellents professeurs, M. Dellenbach (histoire-géographie) et M. Mattéi (italien). À la fin de l’année 1947-1948, j’ai été reçu au concours d’entrée à l’École normale supérieure de Saint-Cloud en Lettres.
Lors de la rentrée de 1948, nous sommes accueillis fort aimablement par le sous-directeur, Monsieur Canac, qui nous réunit en plein air dans le décor merveilleux voisin du Palais de Valois, survivant de 1870. Ses paroles, prononcées devant les magnifiques jets d’eau et le monumental escalier d’accès au Parc de Saint-Cloud, nous souhaitent un séjour agréable et des études efficaces, enrichies par les possibilités culturelles de la capitale. Avant de nous quitter, pleinement conscient qu’il s’adresse à des garçons d’au moins vingt ans, il glisse cette paternelle mise en garde : « Si l’un de vous reçoit un coup de pied de Vénus, qu’il vienne me voir sans tarder ! ».
Cette atmosphère d’accueil bon enfant se retrouve dans un geste de solidarité. Nous trouvant près de Valois, nous voyons le directeur de l’École, Monsieur Vettier, sortir préoccupé de son bureau et se diriger vers sa Citroën Traction Avant, garée sur l’allée inclinée menant au réfectoire et au laboratoire. Mais le véhicule ne bronche pas ; sans tarder, six d’entre nous se précipitent et poussent le véhicule sur plus de cinquante mètres puis sur une pente descendante ; et voici que la Traction démarre. M. Vettier nous fait un amical salut avant de foncer vers la rue de Grenelle, théâtre des décisions du Ministère de l’Éducation nationale. Telle était l’atmosphère fraternelle de l’École il y a soixante-dix ans.
J’ai eu de très bons camarades, tant en Sciences qu’en Lettres. Toutefois, ma deuxième année comme boursier d’études à Florence m’a parfois éloigné de ceux-ci. Nous prenions nos repas au réfectoire originel de l’École où nous étions convenablement soignés. Notre Intendant, méthodique et strict était surnommé « le Rhino » parce que « le Rhino c’est rosse ! ». Nous résidions dans plusieurs sites clodoaldiens et nous rejoignions l’École en passant au-dessus du futur tunnel autoroutier qui fait aujourd’hui partie de l’autoroute de l’Ouest. Les sites étaient de valeur inégale ; chacun d’eux avait un responsable, un « ancien » qui devait s’assurer de notre présence nocturne. Les dernières années à Saint-Cloud nous voient sur les pentes de Montretout, dans les bâtiments réadaptés de l’ancienne clinique[1] de désintoxication qui accueillit Jean Cocteau. Cette nouvelle résidence, moderne et confortable, fut inaugurée par Vincent Auriol, alors Président de la République.
Certains cours étaient donnés à l’École où – pour la langue et la culture italiennes – nous avions la chance d’entendre M. Miquel. Mais nous suivions aussi les cours d’italien de l’Institut des Langues de la Sorbonne, rue de la Faculté de Médecine. Il nous fallait alors prendre le métro et rejoindre la station « Odéon ». Il nous arrivait aussi d’aller faire des recherches à la Bibliothèque nationale. Après mes stages de CAPES, j’échouai à l’agrégation d’italien en 1952 et fus reçu deuxième l’année suivante.
Je peux résumer ma carrière ainsi :
1953-1955 : Service militaire de dix-huit mois dans la Marine Nationale. Formation à Brest et Toulon puis affectation d’un an à l’Amirauté de Bizerte en Tunisie dont je garde un excellent souvenir.
1955-1957 : Je suis nommé au Lycée de Rennes pour y enseigner l’italien quelques jours seulement puis je suis nommé au Lycée Émile Loubet de Valence. J’y côtoie de très compétents et agréables collègues. J’y rencontre Suzanne Guichard et nous nous marions en 1956. Nous avons eu trois enfants et vivons toujours ensemble.
1957-1959 : Je demande un poste à Chambéry mais dois attendre deux ans au Lycée d’Aix-les-Bains en Savoie.
1959-1967 : J’enseigne au Lycée Vaugelas à Chambéry.
1967-1973 : Je suis assistant au Collège universitaire de Chambéry.
1973-1988 : Après un an au collège de Côte-Rousse à Chambéry (1973-1974), je suis nommé au Lycée technique Monge à Chambéry où j’ai terminé ma carrière.
Février 2018