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La direction des études (2001-2007) et le master


A mon arrivée à Lyon, j’ai succédé directement à Francine Mazière (60 L FT), directrice adjointe chargée des études et des formations de 1996 à 2001. En détachement comme elle, je n’ai pas fait partie du personnel de l’École, ni avant, ni après mes mandats successifs. Ce ne fut pas le cas de mes successeurs immédiats entre 2007 et aujourd’hui, Marina Mestre Zaragozá (92 L FT) à compter de 2007, puis Éric Bordas, Sylvie Martin (78 L FT) et, depuis le 1er septembre 2021, Emmanuelle Boulineau (94 L FC). Francine Mazière avait été une actrice de premier plan de la délocalisation aux côtés de Sylvain Auroux (67 L SC), directeur, et de Jacques Deschamps, son chef de cabinet, mais aussi « de dizaines et de dizaines d’autres personnes »[1]. Les sites de l’École en Ile-de-France avaient été fermés le 25 juillet 2000 ; l’École était ouverte à ses personnels à Lyon le 1er septembre et la rentrée des élèves et étudiants avait été fixée au 8 octobre 2000. Un exploit. J’arrive donc en août 2001 appelée par Sylvain Auroux pour la deuxième rentrée dans un environnement apaisé mais pas encore stable. Il s’agissait de contribuer à achever la refondation dans une communauté de travail à parfaire avec des personnels et des collègues dont j’ai le meilleur souvenir. 

Les domaines disciplinaires

Avant l’arrivée à Lyon en 1996, les sciences sociales (économie et sociologie) avaient pris place aux côtés des lettres, des langues, de la philosophie, de l’histoire et de la géographie[2]. Ces deux nouvelles disciplines recrutaient et recrutent toujours sur le concours spécifique (ENS-PSL, concours B/L sans latin obligatoire) et sont dotées d’une agrégation. En outre, l’École avait développé une section de sciences du langage et une section de sciences de l’information et de la communication (1997) qui faisait bon accueil aux littéraires traditionnellement nombreux. Quatre disciplines supplémentaires vont s’imposer : les études théâtrales, les études cinématographiques, l’histoire des arts et la musique. Le Journal officiel du 1ernovembre 2001 et le Bulletin officiel de l’éducation nationale du 22 novembre (n°43, p. 2430-2431) publient l’arrêté du 24 octobre proposant un enseignement optionnel « arts » dans les classes préparatoires lettres de première et de seconde année à partir de l’année 2001-2002. Cette option suggère une épreuve aux concours d’entrée et d’abord, dans l’École, une section arts dont la préfiguration est confiée à Hédi Kaddour et Marie Gautheron (69 L FT). Depuis 2000, l’École dispose du théâtre Kantor et de studios tout neufs. Elle ouvre bientôt la salle Dutilleux consacrée à la musique et se rapproche du CNSMD (Conservatoire national supérieur de musique et de danse) et de bien d’autres partenaires hors de Lyon dont l’École nationale supérieure de la photographie d’Arles alors dirigée par Patrick Talbot (66 L SC). De nombreux personnels dans différents services sont intéressés à et par ces perspectives et aident significativement à la préfiguration de la filière : par exemple le SCAM pour l’audiovisuel et le multimédia comme l’a montré Matthias Chassagneux[3] à qui Francis Ouédraogo a confié l’atelier cinéma. A l’association étudiante ENScène ! dont la légende dit que le nom fut trouvé par Robin Holmes (98 L SC) s’ajoute l’association En plastik ![4] qui organise d’emblée, sur un thème traité dans un séminaire de l’École et en lien avec l’Institut d’art contemporain de Lyon et l’École des Beaux-Arts, Itinéraires, carte et paysage dans la création contemporaine soit une série d’événements et d’ateliers concentrés dans la semaine du 3 au 24 mai 2002.

La réflexion, continue sur le recrutement et plus particulièrement sur le concours d’entrée, se saisit de cette option arts en lien avec l’ENS de la rue d’Ulm, l’Inspection générale, les professeurs et quelques experts dans leur champ. Elle aboutit à un programme commun et un jury d’écrit commun en 2004 pour toutes les épreuves arts. Dans mon souvenir ce fut aisé, inventif, courtois. Parallèlement, la banque d’épreuves littéraires (BEL) qui mobilise de nombreux établissements - sauf l’IEP de Paris réticent d’emblée - progresse moins vite que souhaité en dépit du soutien des professeurs de CPGE et de l’action de François Louveaux (74 L SC). La BEL n’est créée qu’en 2010.

Le master et l’ouverture internationale 

Le recrutement d’étudiants français ou internationaux aux côtés des élèves normaliens évolue aussi au début des années 2000 notamment grâce à la création en 2004 du master de l’ENS LSH. On s’interrogea. L’École qui recrute à Bac+2 devait-elle entrer si vite dans le système LMD (pour licence master doctorat) ? Que faire de l’année de préparation à l’agrégation ? Ce master ne pouvait être créé que cohabilité avec des universités lyonnaises mais aussi avec celles de Grenoble et Saint-Étienne, voire avec des universités étrangères par exemple dans le master franco-allemand. Il finit par compter vingt-sept spécialités recherche et s’appuyait sur des laboratoires identifiés, parfois en cours de reconfiguration. 

Le principe de la cohabilitation fut rapidement acquis à l’université Lumière-Lyon-2 grâce à Gilbert Puech, président, et Yves Grafmeyer, son vice-président recherche (voir le témoignage de Jean-Claude Zancarini[5]). Cette dernière affaire était parfois malaisée. Elle demandait des négociations sur presque chaque point : intitulés des spécialités et même des UE (unités d’enseignement), nombre d’ECTS[6] capitalisables liés à ces UE, textes du diplôme et du supplément au diplôme, composition des multiples jurys de master et même inscriptions des étudiants. Dans l’École, quelques enseignants n’étaient pas convaincus (litote) en particulier ceux qui n’avaient pas l’habitude universitaire des évaluations cadencées ni des jurys de fin de semestre. La « semestrialisation » – dont les effets n’ont jamais été évalués – n’allait pas de soi. Le ministère avait donné un « cadrage » qu’il fallait interpréter. Hors des murs, une des deux universités lyonnaises redoutait tellement que l’École utilise alors la possibilité de détourner ses meilleurs étudiants qu’il a fallu promettre solennellement – écrire noir sur blanc dans une convention - que notre établissement s’abstiendrait de les inscrire. L’option de l’inscription secondaire dans un autre établissement fut retenue : elle permettait notamment un meilleur accès de tous à la documentation.

Cet outil du « Processus de Bologne » amorcé en 1998, signé en 1999, promettait un espace européen de l’enseignement supérieur (EEES[7], signé en 2010). Au tout début des années 2000, l’École avait d’abord besoin de combattre le ralentissement des activités internationales : la délocalisation à Lyon avait fait baisser de 101 à 35 le nombre de pensionnaires scientifiques étrangers recrutés au niveau maîtrise ou DEA : ils préféraient la région parisienne. La création du master de l’ENS LSH donnait l’occasion de communiquer hors des frontières d’autant qu’en 2004, la mise en place du master s’est accompagnée de la création de dix bourses internationales d’un an consenties par le ministère. 

L’autre chance offerte par le master était double : d’une part, donner la possibilité aux normaliens de poursuivre leur scolarité à l’École et, d’autre part, faciliter le tutorat des enseignants de l’École. Un document de la direction des études de février 2003 portant sur l’année 2001-2002 permet de reconstituer la géographie des DEA des élèves devenus lyonnais. Sur 91 DEA soutenus, 68 l’ont été en Ile-de France, 11 dans des établissements de Rhône-Alpes – dont 3 à l’ENS LSH - et 12 hors Ile-de-France et Rhône-Alpes. Précisons toutefois que sur les 91 DEA, neuf avaient été dirigés par des professeurs de l’École (Christiane Marchello-Nizia (ENS L 61), Pierre-François Moreau (ENS L 68), Gérard Raulet (69 L SC), Violette Rey (63 L FT) et Michel Senellart soit près de 10%, pas davantage. Même si les normaliens et étudiants inscrits dans le master cohabilité de l’ENS continueraient à choisir le directeur ou la directrice de mémoire qui correspondrait le mieux à leur recherche, ici ou ailleurs, il était permis de penser que le master était un élément de la construction du « véritable cursus interne[8] » voulu par Sylvain Auroux (67 L SC).

L’engagement des élèves dans les études doctorales

Ajoutons, même si ce sujet relevait de la direction de la recherche, qu’à l’issue de leur scolarité, un assez grand nombre d’élèves sollicitait un financement de leur thèse par la voie de ce qu’on appelait alors les AC (allocations de thèse couplées à un monitorat). Le monitorat avait la fonction du stage d’agrégation. On parle maintenant de contrat doctoral et d’ACE (activité complémentaire d’enseignement). La liste des bénéficiaires d’AC était proposée par l’École à l’issue d’une réunion qui se chargeait de la sélection des dossiers mais aussi du choix du laboratoire d’accueil parmi les deux envisagés. Tous les élèves n’avaient pas satisfaction. Il fut longtemps entendu que tous les normaliens devenus « AC » quittaient alors l’ENS et ses laboratoires mais au milieu de la première décennie du siècle, l’établissement et la tutelle autorisèrent environ 10% des normaliens chaque année à entrer dans un laboratoire de l’ENS ou à devenir chargé(e) de recherches documentaires (CRD) à la Bibliothèque de l’École (fonds slaves par exemple). L’École littéraire fin XXe siècle était inégalement pourvue de séminaires et d’équipes de recherche (voir Pierre-François Moreau[1]). Au début du XXIe siècle, grâce aux nouvelles équipes, à l’administration de la recherche et d’autres services, elle développa un brillant programme de colloques annoncés par les affiches du talentueux Antonello Marvulli tandis que se réorganisaient les presses ENS Éditions qui les publiaient souvent. Elle logeait des intervenants à l’Hôtel des invités, sis à un angle du jardin, pour qu’ils partagent la vie du campus. Les élèves de l’École étaient majoritairement à la résidence Bonnamour et développaient avec profit la vie associative. Tout cela – avec l’augmentation du nombre d’étudiants et d’étudiantes - fit que l’impression d’espace ressentie en 2000 devint de moins en moins nette.

A Lyon en 2000, l’École gardait ses missions et affirmait avec détermination ses ambitions propres exposées bien avant la création des masters. En 2004, le master marqua une évolution irréversible des plans d’étude normaliens et favorisa l’intégration de l’École dans les SHS Rhône-Alpes.

Christine de BUZON (71 L FT),
directrice adjointe chargée des études et des formations (2001-2007)

[1] Francine Mazière, « Il avait fallu construire », Bulletin de l’Association des élèves et anciens élèves des ENS de Lyon, Fontenay, Saint-Cloud, n°2, 2020, p. 39. Et en ligne : https://alumni.ens-lyon.fr/page/20-ans-il-avait-fallu-construire

[2] L’École « exerce principalement ses missions dans les disciplines littéraires et les sciences humaines, sociales, économiques et politiques » (décret n° 87-696 du 23 août 1987).

[3] Mathias Chassagneux, « Les formations au cinéma (2001-2015) », Bulletin cité, n°1, 2021, p. 81. Et en ligne : https://alumni.ens-lyon.fr/page/20-ans-les-formations-au-cinema-2001-2015. Voir aussi les témoignages de David Gauthier et Jean-Philippe Michaud, Bulletin de l’Association des élèves et anciens élèves des ENS de Lyon, Fontenay, Saint-Cloud, n°2, 2020, p. 50-54 et 54-56.

[4] Pourquoi ce nom ? Parce que « les arts aujourd’hui, font exploser les genres et les formes, plastiquent les langages de la création. Parce qu’ils sont simplement plastiques. Parce qu’il faut un esprit simplement plastique […] » ENS Lettre, juin 2002, p. 37.

[6] ECTS pour European Credit Transfer and Accumulation System : Système européen de transfert et d’accumulation de crédits.

[7] Voir https://www.enseignementsup-recherche.gouv.fr/pid25260/l-espace-europeen-de-l-enseignement-superieur.html

[8] Formulation de la captation mise en ligne par l’École en 2020 transcrite dans le Bulletin de l’Association (2021, n°1, p. 62). En ligne : https://alumni.ens-lyon.fr/page/sylvain-auroux-l-alliance-des-sciences-et-des-huma


Pour citer ce texte : Christine de BUZON, La direction des études (2001-2007) et le master, Bulletin de l’association des élèves et anciens élèves des ENS de Lyon, Fontenay, Saint-Cloud, n°2, 2021, p. 49-51.